« La rentrée ne sera sans doute pas ordinaire »
Depuis quelques semaines, l’université de Bordeaux se mobilise pour organiser la rentrée dans ce contexte inédit de crise sanitaire. Les réflexions sont en cours au sein des composantes de formation. Le point sur cette situation « extra-ordinaire » avec Sandrine Rui, vice-présidente en charge de la formation et cheffe d’orchestre de cette mobilisation.
- 03/06/2020
© Arthur Péquin
De nombreuses questions se posent aujourd’hui autour de l’organisation de la rentrée universitaire. Comment se prépare-t-elle à l’université de Bordeaux ?
Avec les directrices et directeurs des collèges, instituts et composantes, nous avons lancé la réflexion pour préparer une rentrée qui pourrait ne pas être complètement ordinaire. Il nous faut anticiper au regard des consignes de sécurité sanitaire prévalant depuis la sortie du confinement. Toute la difficulté, c’est l’incertitude : si les règles de distanciation physique, les gestes barrière, les équipements de protection semblent là pour durer encore plusieurs mois, nous nous adapterons. Si ces règles s’allègent ou n’ont plus lieu d’être finalement, nous saurons revenir à une situation plus normale. Mais la rentrée se prépare maintenant, pour établir les emplois du temps, informer les étudiants, préparer les activités et événements qui ont cours habituellement à l’automne… Il est donc important de partager les analyses des équipes pédagogiques afin d’avoir une première vision d’ensemble à la mi-juin. Cela nous permettra d’apporter tout l’appui organisationnel, technique, logistique et financier nécessaire. Si nous devons équiper des locaux, acheter du matériel, lancer des travaux, etc., nous devons nous y prendre dès à présent. Et j’ai bien conscience que la fatigue est là, et que nous préfèrerions pouvoir compter sur nos seules routines.
Enseignement en présentiel ? En distanciel ? Hybride ? Quelles sont les pistes à envisager ?
L’élément clé à prendre en compte, c’est l’impact des consignes sanitaires sur le nombre d’étudiants regroupés habituellement pour nos enseignements. L’hypothèse d’une réduction des effectifs en présence peut amener à différentes modalités, laissées à l’appréciation des équipes pédagogiques, mais nécessitant une coordination au sein des composantes.
Parmi les pistes, il y a par exemple le fait de faire un cours en présentiel devant une partie des étudiants et de le capter pour le retransmettre à une autre partie via les plateformes numériques. Ce qui implique de prévoir une alternance des groupes d’étudiants en présence, afin que tous puissent bénéficier de la situation habituelle d’échange pédagogique.
Les enseignants peuvent aussi proposer des enseignements à distance ou encore des modalités hybrides, si cela leur paraît pertinent au regard des objectifs de la formation et de leur propre pratique. Il y a aussi d’autres façons de garantir la sécurité sanitaire, notamment grâce aux équipements de protection (masques, sur-blouses, etc.).
Il reste également possible de recomposer les calendriers de certains enseignements pour les décaler par exemple au second semestre.
Le téléenseignement généralisé n’est donc pas une option comme cela peut être le cas dans certaines universités étrangères ?
Clairement non. Il n’y aucune raison d’opter pour un tel scénario. Le téléenseignement s’est imposé ces derniers mois car l’université était fermée et que nous, les personnels et les étudiants, étions confinés. L’établissement devrait bel et bien être ouvert à la rentrée. Le tout distanciel n’est ni nécessaire, ni souhaitable. Pour favoriser l’intégration des étudiants, l’accueil sur site reste indispensable, dans la mesure du possible. C’est vrai pour les nouveaux venus comme pour les autres. Nous réfléchissons d’ailleurs aussi à proposer des formats hybrides pour les réunions de rentrée, entre ressources en ligne et temps d’accueil en présentiel. De même pour les activités et événements festifs de rentrée. Même si pour ces derniers, certains pourraient être annulés et d’autres reportés.

Sandrine Rui © Arthur Pequin
A qui appartient le choix des formats pédagogiques ?
Pour les enseignements comme pour les évaluations, la discussion au sein des équipes et des composantes est essentielle. Parmi toutes les solutions, le choix du distanciel revient aux enseignants et aux équipes qui peuvent s’appuyer sur le retour d’expérience, notamment engagé par la MAPI. Certains enseignants sont – ou sont devenus - convaincus de l’intérêt pour leur pratique ; d’autres en ont vu les limites. Dans tous les cas, la réflexion pédagogique appartient aux équipes. Dans certains cas, ce dialogue doit se faire avec des partenaires et je pense notamment aux formations internationales conventionnées pour lesquelles les difficultés de mobilité pourront amener à opter pour le distanciel. Et l’accompagnement de la Mission d'appui à la pédagogie et à l'innovation (MAPI) ne se réduit pas aux seuls outils numériques. Tout comme l’amélioration continue de l’offre de formation n’a pas pour objectif le tout numérique. Lorsque l'on parle de nouveaux cursus universitaires, on parle d'accompagnement des étudiants vers la réussite, de personnalisation des parcours et des rythmes d’apprentissage, etc. Les outils et les ressources multimédias étant des ressources à disposition parmi d’autres. Et quelle que soit sa forme de transmission, un enseignement relève de l’usage strict de celle ou de celui qui l’a conçu, sauf quand il en a convenu autrement au sein d’une équipe ou avec un partenaire.
Des éléments de cadrage seront-ils fournis aux composantes ?
Le dialogue engagé va nous servir à préciser les éléments de cadrage qui, dans un établissement aussi grand et divers que le nôtre, supposent de s’appuyer sur les analyses menées au plus près des contextes disciplinaires. Les agents du pôle Immobilier, prévention, sécurité, environnement (PILPSE) accompagnent déjà la réflexion pour ajuster les capacités des locaux, mais aussi anticiper la question des circulations dans nos bâtiments, tout comme celle du nettoyage des espaces d’apprentissage. Des consignes stabilisées seront disponibles à la mi-juin. Nous aurons sans doute à ce moment là des consignes plus précises du ministère. Nous travaillons également à définir un cadre pour intégrer les modalités pédagogiques distancielles dans les services des enseignants, et pour prévoir le soutien nécessaire. De même, nous préparons un dispositif d’enquête pour identifier suffisamment tôt les situations de rupture numérique dès l’inscription des étudiants, afin d’y remédier en amont; tout comme la question de l’équipement des personnels se pose dès à présent.
Nous avons convenu avec les membres de la Commission de la formation et de la vie universitaire (CFVU) de partager tous ces éléments fin juin.
Dans ces conditions, les dates de la rentrée sont –elles maintenues ?
Le calendrier universitaire 2020-2021 a été adopté par les instances centrales. Nous avons déjà indiqué qu’il était préférable de ne pas débuter les cours avant le 7 septembre. Une équipe pédagogique peut toujours estimer nécessaire de décaler encore d’une semaine ou deux. L’essentiel est la cohérence de l’organisation des temps d’apprentissage au sein du semestre d’automne, et de ne pas perdre de vue l’indispensable coordination pour la construction des emplois du temps entre les différentes composantes.