4e symposium LAPHIA : écosystème et enjeux de la photonique et du laser [1/2]
Les 22 et 23 septembre derniers, le cluster LAPHIA conviait la communauté photonique et laser pour faire le bilan de ses quatre années d'existence et envisager les perspectives vers 2020. Interview de Lionel Canioni et Alain Barthélémy.
- 04/10/2016
Des machines de pointe qui cachent des applications du quotidien.
Quels sont les grands sujets abordés lors de ce 4e symposium LAPHIA ?
- C'est un moment charnière, l'évaluation à mi-parcours a été positive, nous sommes reconduits. Cette phase de reconduction pose la question du devenir du LAPHIA, nous allons nous ouvrir à d’autres collaborations.
- Au niveau local d'abord, il y a certaines équipes qui n’étaient pas sur la photographie au départ mais qui s’approchent de la photonique. Il y a également d’autres disciplines avec lesquelles on aimerait créer des liens, l’astrophysique, par exemple.
- D’un point de vue plus large, cette évaluation coïncide avec la création d'une nouvelle région gigantesque : la Nouvelle Aquitaine. D’autres forces vives existent dans cette nouvelle région, grande comme la Belgique. C’est le bon moment pour inviter des chercheurs d’autres laboratoires et regarder ce qu’on va pouvoir construire ensemble.
Qu’est-ce que le cluster LAPHIA ? Quels acteurs regroupe-t-il ? Comment s’inscrit-il dans le paysage local et international de la photonique et du laser ?
[Lionel Canioni] Le cluster LAPHIA est un regroupement d'une vingtaine d’équipes qui travaillent dans le domaine de la photonique. Ce sont des équipes issues de différents laboratoires du site : laboratoire de chimie, de physique, de sciences de l’ingénieur, également de sciences humaines, ces derniers ont plutôt une contribution par rapport au suivi de notre projet. Ces équipes se sont regroupées autour de trois grands axes de recherche : l’imagerie (au sens large), les matériaux associés à la photonique et les lasers et ses applications. Donc d’un côté, nous avions cet écosystème structuré par le pôle de compétitivité La route des lasers qui rassemble des entreprises et leur permet de se développer à l’international notamment en ayant des comptoirs. D’un autre côté, nous avions une zoologie de différentes équipes de recherche, laboratoires, disciplines que l'on a structuré à travers le cluster pour faire de la recherche, de la formation et de la valorisation de nos résultats : un cluster appelé LAPHIA.
Les trois grands axes de recherche du LAPHIA : l’imagerie (au sens large), les matériaux associés à la photonique et les lasers et ses applications.
Lionel Canioni — directeur du cluster LAPHIA
Parallèlement, on a la chance à Bordeaux d’avoir une plateforme technologique créée antérieurement, qui contribue particulièrement au développement de la photonique : Alphanov. Elle permet de faire des petites séries, du prototypage mais aussi de passer de l’idée de laboratoire au prototype qui peut être réalisé au sein de cette structure technologique. On a également au niveau du site une société d’accélération technologique qui s’appelle AST, elle est divisée en plusieurs départements, dont un dédié à la photonique et donc appuie et permet de transférer des moyens humains notamment de façon à passer du prototype à l’industrie.
Pouvez-vous présenter un projet collaboratif à mettre particulièrement en valeur sur ces 4 dernières années ?
[LC] MIGA PHYS dans lequel il y a un grand instrument nommé MIGA. Ce programme issu de la physique des atomes froids, des condensats adressent entre autre les problématiques des horloges avec de plus en plus de précision. Cette physique des atomes froids permet de faire de l’optique à base d’ondes d’atome et non pas à base d’ondes électromagnétiques. Ce projet permettra de faire de la détection d’ondes gravitationnelles mais également de faire des détections dans d’autres champs applicatifs comme la géologie, par exemple aller sonder quel minerai il y a dans une montagne ? Est-ce qu'il y a de l’eau ? Est-ce que il y a du pétrole dans ce sol ? etc. Ce sont des choses qui peuvent être sondées en faisant de l’interférométrie sensible à la gravité.
Sur quels enjeux sociétaux les recherches en photonique et laser auront un impact dans les années à venir ?
[Alain Barthélemy] Il y a deux volets qui me viennent à l’esprit. Un volet qu’on appelle l’usine du futur. Les machines-outils du futur qui utilisent beaucoup de laser, quand on pense laser directement on pense à découpe ou soudure laser, ce qui existe déjà. Mais il y a aussi de la mise en forme de très haute précision à toute petite échelle, des structurations de surface, de la fonctionnalisation de surface, faire en sorte qu’une surface change d'aspect de couleur ou qu'une pièce voit ses propriétés mécaniques modifiées.

Arrêt sur image d'une découpe laser sur du métal.
L’autre volet concerne le biomédical, déjà largement répandu. On pense notamment à l'utilisation du laser pour le traitement des yeux, à l'imagerie de la rétine par OCT (tomographie par cohérence optique). Ces pratiques s'élargissent énormément à la fois par les aspects imagerie, et diagnostics assistés par l'optique qui deviennent de plus en plus sélectifs et précis. C’est-à-dire qu’il ne s’agit plus seulement de voir mais de voir en profondeur à un endroit donné une molécule particulière. Les diagnostics très précoces des maladies ou les diagnostics de maladies très difficiles à diagnostiquer sauf à faire des prélèvements, des biopsies, etc. En fait, le domaine du diagnostic in situ sur l’homme émerge et se développe beaucoup.
C’est-à-dire qu’il ne s’agit plus seulement de voir mais de voir en profondeur à un endroit donné une molécule particulière.
Alain Barthélemy — directeur de recherche au CNRSCentre national de la recherche scientifique laboratoire XLIM Limoges
[LC] Quand on parle de photonique, ce n’est pas quelque chose de visible mais c’est une technologie qui permet de faire, de développer d’autres technologies. C’est une technologie de support donc elle est diffuse, elle est partout, déjà présente dans de très nombreuses applications (automobile, télécommunications, énergie, etc.). Ces nouvelles tendances ouvrent à des choses qu’on ne faisait pas avant. L’usine du futur est vraiment l’exemple type. On va travailler avec des sources de plus en plus intenses, très courtes. L'application sur les technologies de l’information existe déjà. L'usage dans les biotechnologies se répand également massivement. On parle optogénétique maintenant, on peut manipuler les gènes de façon à ce qu'en éclairant une zone précise on puisse agir sur la réponse de l’individu.
[AB] On peut aussi aborder le volet sécurité au sens large parce qu’une des capacités de l’optique est de pouvoir mesurer, détecter à distance. On connait tous les radars de contrôle de la vitesse. Mais la sécurité va bien au-delà, jusqu'à la détection des substances de la pollution. Aujourd’hui les mesures de pollution, on ne les veut pas simplement en local mais sous forme de cartographie de la pollution autour d’une ville, autour d’une usine. En plus de la sécurité liée à la pollution du grand public, il y a la sécurité militaire, on veut détecter la présence d’explosif, de substances neurotoxiques et en principe sans s'en approcher.
Quel est le rôle du laboratoire de sciences humaines et sociales dans votre cluster ?
[LC] Ils nous ont aidé à faire de la médiation et de la vulgarisation pour le grand public, parce que ce n’est pas notre métier, on ne sait pas faire. On a fait plusieurs événements pour le grand public en essayant de mixer plusieurs chercheurs pointus, des architectes ou des philosophes autour de conférences débats avec le grand public pour qu'ils puissent cerner notre discipline. Lorsque l'on parle de photonique les gens ne raisonnent pas et l'inconnu peut les inquiéter. Il ne faut surtout pas inquiéter mais les accompagner, exposer, expliquer. Est-ce qu’il y a des craintes à avoir ? Est-ce que ce sont des opportunités ? Par exemple, pour le laser Mégajoule, le grand public associe nucléaire, tout de suite ça fait peur. Notre parti est de communiquer au niveau du grand public plutôt que de laisser des interrogations qui font place à la peur.
Notre parti est de communiquer au niveau du grand public plutôt que de laisser des interrogations qui font place à la peur.
Lionel Canioni — directeur du cluster LAPHIA
Lionel Canioni

Professeur de physique à l’université de Bordeaux, il est directeur du cluster d’excellence LAPHIA (laser et photonique en Aquitaine). Il exerce son activité de recherche dans le laboratoire CELIA et dirige l'équipe de recherche SLAM (Short Pulse Lasers: Applications and Material).
Alain Barthélemy

Directeur de recherche au CNRS, il exerce ses activités de recherche au sein du laboratoire XLIM autour de la photonique, l’optique non linéaire et les lasers. Il est par ailleurs membre du Comité stratégique institué par le LAPHIA.
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4e symposium Laphia : rayonnement international de la photonique et du laser [2/2]