Addiction : l'importance des facteurs individuels dans le déclenchement de la rechute

La rechute involontaire est une caractéristique de toutes les addictions et un challenge pour les patients et leur entourage. 6 à 8 millions de personnes seraient concernées en France. L’équipe de Marc Auriacombe du laboratoire Sommeil, attention et neuropsychiatrie, identifie, pour la première fois en conditions naturelles, le rôle primordial des stimuli environnementaux et du craving* comme médiateur principal de la rechute chez l’homme pour l’addiction à l’alcool, au tabac, au cannabis et à l’héroïne.

  • 13/05/2015

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Cette étude, publiée dans la revue Addiction, ouvre des perspectives immédiates pour la thérapeutique des addictions, avec la possibilité de déterminer pour chaque personne les facteurs qui provoquent et aggravent la rechute,.

Des travaux antérieurs, effectués par Mélina Fatséas et ses collaborateurs au sein de l’équipe de Marc Auriacombe sur l’implication de la réactivité psychophysiologique à certains stimuli conditionnés dans la rechute, avaient montré chez l’homme une corrélation forte entre l’amplitude des réponses conditionnées (comme le craving) induites par ces stimuli et le risque de rechute chez des sujets dépendants à l’héroïne. Cette étude avait été réalisée en conditions de laboratoire et la question se posait de la pertinence de ce modèle dans le contexte de la vie quotidienne où les consommations s’effectuent réellement. Les stimuli intervenant dans l’environnement naturel de la personne sont en effet habituellement plus complexes et plus variés que ceux étudiés en laboratoire, le plus souvent limités au matériel de consommation.
Au travers d’une collaboration avec Joël Swendsen de l’Institut de Neurosciences cognitives et intégratives d'Aquitaine, Mélina Fatséas et Fuschia Serre ont adapté et validé une procédure originale utilisant des smartphones chez des sujets présentant une addiction à différents types de substances.

Cette méthode permet d’évaluer en temps réel la consommation de substances des personnes dans leur environnement naturel et d’établir des liens de causalité éventuels avec les facteurs environnementaux ou émotionnels. En utilisant cette méthode validée auprès de patients avec addiction aux substances, les chercheurs montrent pour la première fois en vie quotidienne que l’exposition à des facteurs préalablement associés à la consommation, et spécifiques à chaque personne, sont de puissants inducteurs de craving puis de rechute dans les heures qui suivent l’exposition à ces facteurs. Il peut s’agir d’habitudes propres à la personne, de lieux spécifiques, de contextes particuliers, mais aussi de certaines émotions toujours en lien avec l’histoire personnelle.

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De façon intéressante, les chercheurs confirment également le rôle central, quelle que soit la substance, de l’intensité du craving dans les phénomènes de rechute et donc dans la chronicité de l’addiction, soulignant ainsi l’intérêt de focaliser les approches thérapeutiques sur la réduction du craving et le contrôle de ses déterminants. Ces travaux ouvrent aussi la perspective d’intégrer des marqueurs individuels prédictifs de la rechute dans les prises en charge, et ainsi d’individualiser les interventions thérapeutiques de prévention des rechutes dans l’addiction.
 
*Craving : envie involontaire et irrépressible de consommer

En savoir +
Craving and substance use among patients with alcohol, tobacco, cannabis or heroin addiction: a comparison of substance-specific and person-specific cues.
Fatseas M, Serre F, Alexandre JM, Debrabant R, Auriacombe M, Swendsen J.
Addiction. 2015 Feb 16. doi: 10.1111/add.12882.

Contact chercheurs
Mélina Fatséas et Marc Auriacombe
Equipe Phénoménologie et déterminants des comportements appétitifs
Unité Sommeil, attention et neuropsychiatrie
CNRSCentre national de la recherche scientifique USR 3413, Université de Bordeaux
Plateforme Addiction
Centre hospitalier Charles Perrens
33076 Bordeaux cedex

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