Astéroïdes, chaos et papillon

Dans The Astrophysical Journal, des chercheurs bordelais ont proposé une nouvelle théorie sur les trajectoires des centaines de milliers d’astéroïdes tournoyant au-dessus de nos têtes. Cette théorie, c’est celle d’un battement d’aile. Du battement d’aile d’un papillon.

  • 25/10/2016

Vue d'artiste depuis la ceinture principale d'astéroïdes © ESA/ATG medialab Vue d'artiste depuis la ceinture principale d'astéroïdes © ESA/ATG medialab

Non, notre système solaire, ce n’est pas uniquement huit planètes, leurs lunes et un astre rougeoyant. Il existe aussi une zone contenant peu ou prou 1,5 millions d’astéroïdes d'une taille supérieure à 1 km, qui s’étend entre Mars et Jupiter. Les astéroïdes sont des gros cailloux, le plus souvent difforme, dont la taille varie du mètre à des centaines de kilomètres et qui gravitent autour du Soleil. Les derniers travaux de l’équipe Éclipse du Laboratoire d’astrophysique de Bordeaux(Lab, unité CNRSCentre national de la recherche scientifique et université de Bordeaux), et plus particulièrement du post-doctorant André Izidoro et de l’astrophysicien Sean Raymond, s’intéressent aux orbites de ces objets célestes : les trajectoires qu’ils suivent en faisant le tour du Soleil. Des coureurs infatigables enchaînant des tours de pistes, en somme. Mais une piste plus ou moins inclinée, et dont l’ovalité laisse souvent à désirer…
Toute la question est là : pourquoi les orbites des planètes sont sur le même plan et presque parfaitement circulaires autour du Soleil, tandis que celles des astéroïdes apparaissent quelque peu désordonnées ?

La réponse serait à chercher dans… le chaos ! Cette théorie mathématique explique comment le comportement de certains systèmes peut être complètement bouleversé si un changement minime se produit dans leurs conditions initiales. Pas très claire ? Le scientifique américain Edward Lorenz l’a très bien résumée en 1972 sous la forme d’une question : « le battement d'ailes d'un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? ».

La ceinture d'astéroïdes entre Mars et Jupiter (en blanc) © Mdf

Jupiter et Saturne auraient semé la zizanie

Ici ce sont Jupiter et Saturne, deux planètes géantes du système solaire, qui auraient joué le rôle du papillon il y a quelques 4 milliards d’années. Il fait aujourd’hui consensus qu’elles se sont formées dans un nuage de poussières et de gaz qui amortit les éventuelles perturbations. On pensait donc qu’elles étaient sur des orbites bien régulières… ce qui, selon cette nouvelle publication de l’équipe Eclipse dans The Astrophysical Journal, ne serait pas le cas. De petits mouvements non prévisibles au niveau de leurs orbites auraient entraîné d’importantes répercussions sur la grande ceinture, comme une tornade bousculant les trajectoires des astéroïdes, déformant les pistes de nos marathoniens de l’espace. Des petits mouvements inconnus, mais dont l’existence a été mise en évidence par des centaines et des centaines de modélisations numériques. Prochaine étape : laisser de côté les simulations pour observer directement les orbites actuelles, réaliser des mesures et obtenir, on l’espère, des résultats qui corroborent cette nouvelle théorie.

Une petite cause pour de grands bouleversements

Les travaux d’André Izodoro et de Sean Raymond ont une portée plus large que la seule étude des astéroïdes. Il est en effet admis que la grande ceinture a joué un rôle dans la formation des planètes telluriques, faites de roches et de métaux, comme la Terre… Comprendre sa formation, c’est donc comprendre une étape clef dans l’histoire de notre système solaire. « On observe le système solaire aujourd’hui en espérant découvrir comment il était à sa naissance, or il y a une multitude de scénarios possibles entre les deux » résume Sean Raymond. La probabilité de connaître avec exactitude sa véritable histoire est donc très faible, mais les esquisses que l’on en dessine sont de moins en moins floues.

Yoann Frontout
Journaliste scientifique stagiaire
Direction de la communication

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Références de la publication

The Asteroid Belt as a Relic From a Chaotic Early Solar System. Izidoro, A., Raymond, S.N., Pierens, A., Morbidelli, A., Winter, O.C., & Nesvorny, D. 2016. Astrophysical Journal, in press.

Contact scientifique

Sean Raymond
Astrophysicien