Conception de nouveaux vaccins vétérinaires par ingénierie de bactéries

Le projet européen MycoSynVac initié le 7 mai 2015 articule ingénierie génomique et biotechnologies pour concevoir un châssis[*] de vaccin vétérinaire basé sur la bactérie Mycoplasma pneumoniae.

  • 27/05/2015

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Le projet

Les chercheurs vont mettre en commun leurs connaissances approfondies en biologie des systèmes et leurs méthodologies en biologie de synthèse pour concevoir un châssis bactérien universel à la fois inoffensif et capable de croître rapidement  dans un milieu sans sérum.

Le châssis conçu servira de base à la mise au point de vaccins spécifiques pour lutter contre deux bactéries pathogènes connues pour causer des souffrances chez les animaux malades et être à l’origine des pertes de revenus importantes dans les élevages. Le châssis pourra également servir à d’autres applications potentielles comme la thérapie cellulaire ou le traitement de maladies infectieuses pulmonaires.

MycoSynVac est un projet européen doté de 8 millions d’euros (H2020). Il est coordonné par des scientifiques du Centre for Genomic Regulation (CRG) de Barcelone (Espagne) et intègre des partenaires scientifiques aux Pays-Bas, en France, au Royaume-Uni, en Allemagne, au Danemark, ainsi qu’en Autriche.

*Châssis : en biologie de synthèse, ce terme correspond à des assemblages biologiques plus ou moins complexes, le plus souvent dérivés d’organismes modèles. Ici, il s’agit d’utiliser Mycoplasma pneumoniae comme point de départ de la construction et de réduire/modifier le génome de cette bactérie pour aboutir aux propriétés recherchées (innocuité, croissance rapide, capacité à exprimer des antigènes provenant d’autres organismes).

Les mycoplasmes sont un type de bactérie parmi les plus petites existante. L’absence de paroi cellulaire les rend résistantes à de nombreux antibiotiques et chaque année les infections liées à des mycoplasmes dans les élevages avicoles, bovins et porcins causent des pertes économiques de plusieurs millions d’euros en Europe, aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Bien qu’il existe des vaccins contre deux espèces de Mycoplasma affectant spécifiquement les volailles et les porcs, il n’existe pas encore de vaccins pour lutter contre certaines espèces de mycoplasmes qui affectent l’homme, les animaux de compagnie et d’autres animaux d’élevage.

Le Projet H2020 MycoSynVac vise, par l’ingénierie biologique, à concevoir un châssis universel pour la vaccination en mobilisant des méthodes de biologie de synthèse. « Nous allons concevoir une nouvelle bactérie qui sera utilisée comme vaccin », explique Luis Serrano du Centre for Genomic Regulation (CRG) et coordinateur du projet de recherche. « Nous allons supprimer les gènes qui rendent la bactérie pathogène et amélioreront le châssis pour une croissance rapide dans un milieu sans sérum. Puis, en faisant s’exprimer des antigènes inoffensifs d’un ou plusieurs pathogènes, nous serons en mesure de créer des vecteurs de vaccins ciblés. Nous travaillons depuis longtemps pour avoir une compréhension approfondie de Mycoplasma pneumoniae et, aujourd’hui, nous sommes prêts à mobiliser l’ensemble de ces connaissances au bénéfice de la société », ajoute Maria Lluch, chercheur au CRG et co-coordinatrice scientifique du projet MycoSynVac. Le projet MycoSynVac s’organisera en deux phases. Dans la première, la bactérie Mycoplasma pneumoniae servira de modèle pour construire un châssis universel inoffensif mais capable de se développer rapidement en bioréacteur, dans des milieux de croissance peu complexes.  Dans la seconde phase du projet, le châssis conçu servira de base au  développement mais aussi à l’évaluation de vaccins vivants atténués (organisme encore actif) et/ou désactivés (organisme mort) pour lutter contre Mycoplasma hyopneumoniae qui affecte les élevages porcins, et Mycoplasma bovis qui cause des dégâts en élevage bovin.

« Ce projet poursuit un objectif ambitieux, et il est essentiel pour nous de considérer non seulement les aspects techniques et scientifiques, mais aussi les dimensions sociétales et éthiques de nos recherches », s’accordent les deux coordinateurs. Afin de répondre à ces exigences, le consortium du projet intègre des groupes de travail en génie génétique et conception de systèmes biologiques du Centre of Genomic Regulation (Barcelone, Espagne), de l’Inra Bordeaux-Aquitaine et l’Université de Bordeaux (France), de l’Université de Wageningen (Wageningen, Pays-Bas) et de l’Imperial College (Londres, Royaume-Uni) ; la société de santé animale MSD Animal Health (Boxmeer, Pays-Bas) ; la société de biotechnologie ATG Biosynthetics travaillant en bioinformatique fonctionnelle (Merzhausen, Allemagne) ; un groupe de recherche en bioéthique de l’Université de Copenhague (Danemark) ; ainsi que la société Biofaction spécialisée dans l’évaluation des risques et la participation publique (Vienne, Autriche). 

Améliorer la santé animale, mais plus encore…

Il n’existe pas de vaccin efficace contre de nombreux mycoplasmes qui affectent l’homme, les animaux de compagnie et les élevages d’animaux de rente. En outre, la croissance de la plupart des mycoplasmes est délicate sans la présence d’autres organismes, ce qui nécessite un support complexe incluant du sérum animal. En conséquence, même dans les cas pour lesquels des vaccins efficaces existent, le processus de production des vaccins est difficilement reproductible et sujet à la contamination par des virus.

Afin de répondre aux besoins des industries de l’élevage, MycoSynVac va capitaliser les connaissances de ses partenaires en biologie des systèmes sur M. pneumoniae, ainsi qu’en biologie de synthèse, pour concevoir un châssis de mycoplasme universel pouvant être déployé comme simple ou multi-vaccin dans une large gamme d’animaux hôtes. En outre, la bactérie modifiée pourra croître efficacement et de manière reproductible dans un support défini sans sérum, ce qui permettra d’améliorer significativement sa production, sa qualité et son efficacité.

Enfin, les chercheurs prévoient que le châssis de mycoplasme créé pourra servir de modèle pour développer d'autres vaccins, avoir des applications potentielles en thérapie cellulaire ou thérapie des maladies pulmonaires infectieuses, et aider à lutter contre l’utilisation massive d’antibiotiques chez les animaux.

UMR Biologie du Fruit et Pathologie

L’Unité mixte de recherche Biologie du Fruit et Pathologie (Inra Bordeaux-Aquitaine-Université de Bordeaux) apporte son expertise scientifique sur des approches en biologie de synthèse. Depuis l'arrivée au sein du laboratoire de Carole Lartigue (CR1), ont été développées des technologies d'ingénierie génomique dédiées à des bactéries dites minimales de la classe des Mollicutes. Grâce à ces approches, l’UMR BFP peut proposer des stratégies non seulement pour atténuer le pouvoir pathogène de ces bactéries, mais aussi pour exprimer dans ces cellules des antigènes d'autres organismes pour produire des vaccins innovants. L’unité de recherche intègre dans ces stratégies des éléments pour garantir la sécurité des produits obtenus, tant pour les animaux vaccinés que pour l'environnement.

Le projet européen MycoSynVac a été initié le 7 mai 2015 au Centre for Genomic Regulation (CRG) de Barcelone. D’une durée de 5 ans, le projet bénéficie du financement Horizon 2020, le programme de recherche d’innovation de l’Union européenne (convention de subvention No 634942).

Contacts scientifiques

Alain Blanchard (UMR BFP Inra/université de Bordeaux)
alain.Blanchard@bordeaux.inra.fr / 05 57 12 23 41

Carole Lartigue (UMR BFP Inra/université de Bordeaux)
clartigu@bordeaux.inra.fr  / 05 57 12 23 59

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