Consommer une alimentation riche en caroténoïdes diminue les risques de développer une DMLA
Des chercheurs du Centre de recherche Bordeaux Population Health ont mis en évidence de façon inédite une association entre les caroténoïdes circulants, des pigments végétaux protecteurs pour la rétine, et une réduction du risque de développer une forme avancée de DMLA. Ces travaux, basés sur le suivi de 609 personnes sur huit ans, sont parus dans la revue Nutrients le 24 juin 2021.
- 24/06/2021
Fruits et légumes, dont certains contiennent des caroténoïdes ©Engin Akyurt-Unsplash
La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est la première cause de perte de la vision dans les pays industrialisés. Il s’agit d’une maladie dégénérative qui affecte la partie centrale de la rétine, cruciale pour les tâches quotidiennes (lire, conduire, reconnaître les visages...). À un stade avancé, la maladie prend deux formes : la forme néovasculaire, ou humide, que l’on soigne par injection d’anti-VEGF* directement dans l’œil, et la forme atrophique, ou sèche, pour laquelle il n’existe pas encore de traitements.
Néanmoins, à défaut de soigner complètement la maladie, il est possible de la prévenir ou de ralentir sa progression. On connaît déjà bien les facteurs de risque de la DMLA, qui sont liés à l’âge et au terrain génétique. Cependant, il s’agit de facteurs non modifiables, sur lesquels il n'est pas possible d’agir.
Depuis vingt ans, les chercheurs s’intéressent au lien entre nutrition et DMLA. Il est aujourd’hui établi que de nombreux aliments permettent de ralentir la dégénérescence : acide gras (oméga 3), antioxydants (vitamines C, zinc…). Ils protègent en effet la macula, la zone de l’œil affectée par la DMLA qui se situe au centre de la rétine.
Lien entre nutrition et DMLA
À travers une étude prospective réalisée à partir du suivi sur 8 ans de la cohorte ALIENOR, l’objectif des chercheurs du Centre de recherche Bordeaux Population Health (BPH - Inserm et université de Bordeaux) et du service d’ophtalmologie du CHU de Bordeaux était d’étudier le lien entre la présence de lutéine et de zéaxanthine dans le plasma et l’apparition de la DMLA.
La lutéine et la zéaxanthine font partie de la grande famille des caroténoïdes. On les retrouve notamment dans les fruits jaune orangé comme les agrumes ou les tomates, ainsi que dans les légumes à feuilles vertes, tels que les épinards, les choux et les blettes. Ce sont des pigments qui jouent un rôle très spécifique pour l’œil puisqu’ils sont présents en grande concentration dans la macula. Ils ne sont pas synthétisés par le corps, c’est pourquoi il faut les absorber à travers l'alimentation.
Là où les précédentes études se fondaient uniquement sur les informations renseignées par les participants concernant leur régime alimentaire, l’équipe de Bénédicte Merle, chercheuse Inserm au Centre de recherche BPH, a analysé des prélèvements sanguins et a ainsi pu démontrer une association objective entre des niveaux circulants de lutéine et de zéaxanthine et une diminution du risque de la DMLA.
La lutéine et la zéaxanthine pour protéger la rétine
Ces travaux révèlent qu’une concentration plus importante de caroténoïdes dans le plasma, en particulier de lutéine et de zéaxanthine, réduit de 37 % le risque de développer une forme avancée de DMLA. Ce résultat est similaire pour les formes atrophique et néovasculaire de la maladie. Toutefois, au-delà de la lutéine et la zéaxanthine, aucun autre caroténoïde n’a été associé à une telle diminution des risques.
La lutéine et la zéaxanthine apportent en effet une vraie protection à la rétine : d’une part elles absorbent la lumière bleue, qui est connue pour endommager la rétine sur le long terme. D’autre part, elles jouent le rôle d’antioxydant afin de protéger la rétine du stress oxydatif**, qui est justement un facteur de la DMLA.
Que faut-il manger pour prévenir l’apparition ou ralentir la progression de la DMLA ?
Pour avoir des concentrations plasmatiques suffisantes en lutéine et en zéaxanthine dans l’organisme, il convient de privilégier les fruits et les légumes jaune orangé (tomates, carottes, agrumes), ainsi que les légumes à feuilles vertes (chou, épinards). « Si on veut aller un peu plus loin, l’alimentation la plus bénéfique pour prévenir la DMLA serait un régime de type méditerranéen, riche en fruits et légumes et qui apporte assez d’oméga 3 grâce aux poissons gras », souligne Bénédicte Merle, auteure de l’étude.
Au-delà des recommandations nutritionnelles, la découverte du rôle de ces caroténoïdes ouvre des pistes pour repérer des groupes de population plus à risque de développer la DMLA en fonction de leur régime alimentaire. Cette étude offre donc des stratégies de prévention mais aussi d’identification des facteurs de risque qui seront utiles pour l’avenir de la recherche.
*Les anti-VEGF sont des nouvelles thérapeutiques qui agissent sur la membrane même des cellules et sont souvent utilisés pour empêcher la survie des tumeurs.
**Le stress oxydatif est l’ensemble des agressions causées par des molécules dérivant de l’oxygène sur les cellules de notre corps. Les plus connues de ces substances néfastes sont les radicaux libres.
L'étude ALIENOR
L’étude ALIENOR est une étude en population qui vise à évaluer le lien entre les maladies de l’œil et les facteurs nutritionnels. Elle est menée en étroite collaboration entre le Centre de recherche Bordeaux Population Health et le service d’ophtalmologie du CHU de Bordeaux. Dans le cadre de ces travaux, 609 participants âgés de 73 ans en moyenne ont été recrutés entre 2006 et 2008. Les participants ont réalisé dès leur intégration un dosage sanguin pour mesurer leur concentration plasmatique en lutéine et en zéaxanthine. Ils ont ensuite effectué une consultation ophtalmologique afin de diagnostiquer la DMLA. Parmi eux, 54 ont développé une DMLA sur la période de suivi, qui a duré 8 ans.
Référence bibliographique :
Plasma lutein, a nutritional biomarker for development of ad- 2 vanced age-related macular degeneration: The Alienor Study. Bénédicte Merle, et al.
Contact scientifique
Bénédicte Merle
Chercheuse Inserm au Centre de recherche BPH