Coup de cœur du Monde pour un doctorant bordelais
Simon Labarthe est l’un des 10 lauréats du prix Le Monde de la recherche universitaire 2014, qui est remis ce mercredi 26 novembre à Paris. Ce jeune mathématicien s’est intéressé à la modélisation des troubles du rythme cardiaque lors de sa thèse à l’université de Bordeaux.
- 26/11/2014
Quel est votre parcours ?
J’ai fait mes études à l’université de Bordeaux : deug, licence puis maîtrise en Erasmus à Barcelone. J’ai ensuite passé le concours de professeur des écoles, métier que j’ai exercé durant six ans. Même si j’ai beaucoup aimé cela, je n’étais pas sûr de vouloir être instituteur toute ma carrière. Il y avait des choses que j’avais envie de faire, donc je me suis inscrit en master 2 à l’université Pierre et Marie Curie puis je me suis dirigé vers une thèse. L’important pour moi était de pouvoir raconter ma thèse de mathématiques à mes proches. J’étais donc attaché à avoir un côté applicatif très fort dans mes recherches.

Sur quel sujet a porté votre thèse ?
Je me suis intéressé à l’activité électrique du cœur qui précède la contraction, qui la commande et la coordonne. Quand il y a des problèmes de propagation de cette onde, des troubles du rythme ou arythmies (tachycardie, fibrillations…) peuvent apparaître.
La majorité des modèles mathématiques d’oreillettes considéraient la paroi des tissus auriculaires, où naît le signal électrique, comme une surface plane, alors qu’il y a des choses qui se passent dans l’épaisseur du tissu. J’ai donc créé un modèle spécifique surfacique (qui tourne 50 fois plus vite qu’un modèle en 3 dimensions) mais qui tient compte de ces données 3D.
Dans un second temps, j’ai appliqué ce modèle théorique en construisant un modèle informatique des oreillettes, dans le cas précis de fibrose des tissus. On sait que ces lésions favorisent les arythmies. J’ai créé des pathologies virtuelles avec des atteintes différentes du tissu (sur une couche, ou sur toute l’épaisseur…), puis j’ai exploré des protocoles d’ablation pour traiter au mieux les arythmies.
Ces résultats permettent aux médecins d’illustrer les pathologies et sont une approche supplémentaire pour améliorer la compréhension qu’ils en ont. A long terme, ce qui va au-delà de ce que j’ai fait en thèse, l’intérêt serait de pouvoir avoir un modèle personnalisé de chaque patient, simuler les pathologies et voir quel traitement serait adéquat avant même une chirurgie invasive.
Comment se sont déroulés vos travaux de recherche ?
Ma thèse à l’université de Bordeaux était sous la direction du professeur Yves Coudière et du directeur de recherche Inria, Jacques Henry, de l’Institut de Mathématiques de Bordeaux. Elle s’est déroulée au sein de l’équipe Carmen d’Inria et était directement en lien avec l’Institut hospitalo-universtaire de rythmologie et modélisation Cardiaque (IHU-LIRYC) dirigée par Michel Haïssaguerre (qui a financé pour moitié cette thèse).

Si la partie de développement théorique s’est faite au centre Inria, la construction du modèle a été réalisée en lien très étroit avec les équipes du Liryc. On participait à leurs réunions hebdomadaires, on a pu assister à des procédures d’ablation cardiaque, à des expériences biologiques. Cela a été une expérience formidable avec une équipe extraordinaire. Chacun devait faire un effort de vulgarisation pour faire comprendre ses problématiques techniques aux autres. Ce sont ces interactions qui me motivaient car j’ai dû me former à des questions médicales et biologiques, auxquelles je n’étais pas préparé dans ma formation initiale.
Pourquoi avoir postulé à ce prix du Monde ?
Outre le fait de pouvoir mettre en lumière mon projet de recherche, j’étais intellectuellement intéressé par le travail de vulgarisation demandé par le jury du Monde. On nous demandait de produire un texte présentant nos travaux en direction du grand public. Cette compétence nous est de plus en plus demandée dans notre métier de chercheur. De plus, on nous propose de participer à un ouvrage collectif. En effet, les cinq lauréats en sciences humaines et sociales ont leur thèse publiée. Et pour les cinq lauréats de la catégorie sciences exactes, la mienne, un livre commun est édité aux éditions Le Pommier.
Simon Labarthe a soutenu sa thèse en décembre 2013. A 33 ans, il est actuellement chargé de recherche Inra dans l'unité Mathématiques et Informatique Appliquées du centre de Jouy-en-Josas et travaille sur le microbiote intestinal.
Pour en savoir plus, lire l'article (de candidature) et consulter la thèse de Simon Labarthe.