Déguster le vin

Entre le 14 et le 18 juin, Bordeaux fête le vin ! Cet évènement devenu incontournable est l’occasion de déguster et découvrir la diversité des vins de Bordeaux et de Nouvelle Aquitaine. Entre arts et sciences, la dégustation professionnelle du vin nécessite une maîtrise et une connaissance des propriétés gustatives des molécules qui composent le noble liquide. Entretien avec Axel Marchal, enseignant-chercheur à l’Institut des sciences de la vigne et du vin.

  • 11/06/2018

Axel Marchal © ISVV / universite de Bordeaux Axel Marchal © ISVV / universite de Bordeaux

« La pratique de la dégustation professionnelle du vin va au delà de l’activité de loisir. Elle nécessite d’établir des règles et des codes encadrant les facteurs qui ont une influence sur le dégustateur, » explique Axel Marchal, maître de conférences à l’Institut des sciences de la vigne et du vin (ISVV) de l'université de Bordeaux. Cette analyse scientifique est séquencée en plusieurs étapes.

« Le dégustateur étudie d’abord l’odeur en sentant le vin sans l’agiter afin de capter les nuances aromatiques les plus flagrantes. Puis il l’agite pour libérer les arômes plus délicats. » Une fois le vin en bouche, plusieurs sens sont sollicités simultanément. « Un flux d’air qui remonte jusqu’à la muqueuse nasale est à l’origine de la perception d’odeurs : ce n’est donc pas seulement le goût (salé, sucré, acide, amer) qui aide à apprécier un vin en bouche mais également ce phénomène de rétro olfaction. »

Le toucher est également sollicité : les protéines salivaires de notre cavité buccale sont précipitées (elles forment des amas) par les tanins du vin. Ils entraînent une perte de lubrification de la cavité buccale qui provoque « une sensation râpeuse sur la langue : l’astringence. »

Nous sommes tous différents face à la dégustation des vins

 Les sensations somesthésiques entrent également en compte. « Il s’agit notamment des sensations de chaud et de froid, comme peuvent en provoquer la menthe ou le poivre ».

Cependant, le dégustateur sortira bientôt du simple constat descriptif pour se projeter dans une forme de représentation. « Certains dégustateurs vont parler d’une odeur sucrée en sentant le vin. Mais le sucre n’a pas d’odeur ! Leur cerveau associe de manière consciente ou inconsciente l’odeur de ce vin à des vins sucrés qu’ils ont déjà dégustés. »

Car la dégustation reste une activité subjective. « Comme pour un tableau abstrait, dans lequel chaque amateur d’art verra, au-delà du style, une interprétation différente. » D’ailleurs, le dégustateur parfait qui pourrait reconnaître toutes les odeurs n’existe pas. « Ce serait inutile, car déguster ne consiste pas à décrire mais à reconnaître. »

Dégustation de vin / ISVV / université de Bordeaux

Un exemple évocateur ? « Lorsqu’on fait sentir l’hexanoate d’éthyle à des européens, ils la décrivent majoritairement comme évoquant une odeur de fraise. Lorsqu’il s’agit d’asiatiques, elle est décrite comme proche de l’odeur d’ananas ! Cette molécule est présente dans les deux fruits, mais les habitudes de consommation des populations influencent leurs perceptions. » Pour décrire une palette de goûts aussi riche, le vocabulaire est très subjectif : les préférences de chacun se retrouvent dans le choix des mots.

C’est ainsi que dans la bouche de certains, la sulfanylpentanone aura une odeur de buis lorsque pour d’autres, elle évoquera plutôt l’urine de chat ! Ainsi, les professionnels du vin préfèrent parfois utiliser le nom scientifique des molécules odorantes pour éviter la confusion culturelle et l’appréciation personnelle.

La deuxième naissance du vin

Les chercheurs se tournent aujourd’hui vers l’étude de la construction du goût chez le consommateur. « Le vin a deux naissances : l’une lors de la transformation du raisin en vin, l’autre dans la tête du dégustateur, explique Axel Marchal. L’œnologie s’est jusqu’à maintenant beaucoup intéressée à la composition du vin, à sa première naissance. Nous lançons actuellement un projet inédit, réunissant deux domaines d’excellence de la communauté bordelaise : les neurosciences avec le centre NeuroMagendie et l’œnologie avec l’ISVV. Cette collaboration entre l’équipe du professeur Vincent Dousset au Centre NeuroMagendie et l’ISVV vise à mieux comprendre ce qui se passe dans le cerveau du dégustateur lorsqu’il déguste. L’objectif est donc de lever en partie le voile sur les mécanismes de la deuxième naissance du vin ! »

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