Des molécules bio-inspirées pour décontaminer les eaux polluées

Une équipe du laboratoire Arna* a découvert que des matériaux bio-inspirés peuvent être utilisés pour éliminer les polluants organiques résiduels présents dans les eaux usées. Cette alternative aux systèmes de décontamination conventionnels fait l’objet d’une publication dans la revue ACS Sustainable Chemistry & Engineering.

  • 24/09/2020

© Freepik - upklyakj © Freepik - upklyakj

La présence de polluants organiques dans l’eau tels que les résidus issus de molécules pharmaceutiques, de produits cosmétiques, de pesticides, de perturbateurs endocriniens représente un problème majeur pour l’être humain et son environnement. Malgré les différents procédés actuellement utilisés pour le traitement des eaux usées, leur présence résiduelle même à faible dose demeure et reste une importante préoccupation pour les populations. Leur impact sur l’être humain et l’environnement n’est pas encore totalement compris et la pollution de l'eau fait l'objet d'un intérêt grandissant de la part et des autorités sanitaires du monde entier.

Une alternative grâce au biomimétisme

Face à cette problématique, l’équipe ChemBioPharm du laboratoire ARN : régulations naturelles et artificielles (Arna – CNRS, Inserm et université de Bordeaux) a découvert une méthode pour dépolluer l’eau de ces contaminants organiques en utilisant des matériaux synthétiques dérivés de molécules naturelles. « Nous avons créé des molécules synthétiques hybrides appelées nucléolipides, explique Philippe Barthélémy, professeur de l’université de Bordeaux et directeur du laboratoire Arna et de l’équipe ChemBioPharm. Ces molécules synthétiques sont composées de deux bio-molécules aux propriétés particulières mais qui ne s’associent pas dans la nature. Réunies sous forme de nucléolipides, elles sont capables d’interagir avec des contaminants résiduels, de les piéger et de former des agrégats assez gros pour être décantés ou filtrés, et ainsi éliminés de la phase aqueuse. »

Initialement, l’équipe scientifique bordelaise a longtemps travaillé en utilisant ces nucléolipides dans la délivrance de principes actifs, ou drug delivery, notamment dans le traitement des cancers du foie et des reins. « L’idée de détourner l’utilisation de ces molécules pour le drug delivery et de l’appliquer à la lutte contre la pollution de l’eau nous est venue car il y a beaucoup de médicaments parmi les contaminants », précise Philippe Barthélémy.

Des taux d'abattements très prometteurs

En effet, de nombreux médicaments issus de la chimiothérapie notamment sont largués par les hôpitaux dans les eaux usées et arrivent aux stations d’épuration, qui n’ont pas nécessairement des taux d’abattement de 100% pour l’ensemble de ces contaminants. C’est également le cas pour d’autres polluants organiques tels que les pesticides, les fongicides, les perturbateurs endocriniens… « On se retrouve avec toutes ces molécules qui, prises seules, ont relativement peu d’effet délétère ou toxique, mais qui vont être combinées entre elles et créer une synergie avec un effet important, appelé effet cocktail, ajoute le scientifique. Cependant, nous avons montré que même pour les cocktails de polluants organiques incluant des mélanges de pesticides et/ou de médicaments, le taux d’abattement est de plus de 95% avec cette expérience ! »

« D’abord menée sur une vingtaine de contaminants, nous souhaitons désormais étendre l’expérience à plusieurs milliers », s’enthousiasme Philippe Barthélémy. Ces travaux, réalisés en partenariat avec une société spécialisée dans les mesures de haute dilution et qui travaille avec des hôpitaux, des municipalités, sont en cours de valorisation par Aquitaine Science Transfert (AST). Très prometteurs, ils permettent d’envisager de nouvelles perspectives dans le traitement des eaux usées.

*Arna - ARN : régulations naturelles et artificielles (CNRSCentre national de la recherche scientifique , InsermInstitut national de la santé et de la recherche médicale et université de Bordeaux)

Thèmes :

Référence bibliographique

Marc Sicard, Sylvie Crauste-Manciet, Francois Dole, Julien Verget, Alain Thiéry, and Philippe Barthélémy. Decontamination of Organic Pollutants from Aqueous Media Using Polymer-Free Bioinspired Materials

Contact scientifique

Philippe Barthélémy
Directeur du laboratoire Arna