Droit : la problématique des mineurs isolés étrangers

Trois questions à Anne-Marie Tournepiche, professeur de droit public à l'université de Bordeaux, à l'occasion de la journée internationale des migrants (18 décembre).

  • 14/12/2016

Assiste-t-on à une augmentation des demandes d'asile d'enfants mineurs, au regard de l'actualité ?

Dans l'ensemble de l'Union européenne, on estime qu'entre 2014 et 2015, le nombre de mineurs demandant l’asile dans l’Union européenne a quasiment quadruplé, pour atteindre près de 90 000. Ces mineurs sont en grande majorité des garçons (à plus de 90%) et viennent principalement d’Afghanistan (51 %) de Syrie (16%) ou d’Erythrée (6%).

Quelle est la situation en France ?

Il est difficile d'avoir des chiffres précis, mais on estime entre 8000 et 10 000 le nombre de mineurs isolés étrangers présents sur le territoire français. Ils ne peuvent pas être expulsés, le droit français les appréhende davantage comme des enfants en danger que comme des étrangers. Afin de pouvoir bénéficier de la protection de l'enfance, ils doivent faire l’objet d’une évaluation sociale, d’une vérification de leur état civil et, éventuellement d’un examen médical (sachant que les techniques utilisées sont critiquées, notamment par le Défenseur des droits).

Un mineur isolé étranger peut être défini comme un enfant (l’article 1 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant définit l’enfant comme « tout être humain âgé de moins de dix-huit ans ») présent sur le territoire français sans représentant légal.

L’actualité récente liée au démantèlement de la « jungle » de Calais a mis en évidence la nécessité de protéger les quelques 1300 mineurs isolés étrangers recensés par la Croix-Rouge dans la zone, et ce, dans le respect de l'article 20 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE) selon lequel « tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial (…) a droit à une protection et une aide spéciales de l’Etat ».

Quelles sont les perspectives pour ces mineurs isolés ?

Ils sont en situation de grande vulnérabilité, du fait de leur minorité et de leur isolement. La recherche de l’intérêt supérieur de l’enfant consacré à l’article 3 de la CIDE devrait se traduire par un accès réel au droit ou à la formation, ce qui n’est pas toujours le cas. En effet, si les dispositifs d’accueil et d’accompagnement ont le mérite d’exister, ils se révèlent souvent insuffisants, faute de moyens médico-sociaux ou éducatifs suffisants. Ils ont la possibilité de demander l'asile en France, mais c'est une minorité d'entre eux qui effectue cette démarche (en 2015, 311 demandes d'asiles ont été formulées par des mineurs isolés étrangers (+18 % par rapport à 2014).

Un outil développé par l'université de Bordeaux

Un site de ressources (http://conventiondegeneve.refugies.u-bordeaux.fr) permettant de mieux comprendre la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés a été mis en ligne début décembre. Élaboré par des membres du Centre de recherche et de documentation européennes et internationales (CRDEI), l'outil permet d’avoir accès à une importante base de données dans le domaine du droit des réfugiés.

Les principes de ce texte contribuent aujourd'hui encore à la construction d’un droit international des réfugiés, qui lui-même influence le droit européen et les droits internes en la matière.