Économie : les liens entre migration et innovation
La Journée internationale des migrants du 18 décembre est l'occasion de porter un éclairage sur les récentes études de Francesco Lissoni, enseignant-chercheur de l’université de Bordeaux en sciences économiques et professeur invité dans deux universités internationales. Son thème de recherche porte sur les liens entre la migration des travailleurs hautement qualifiés et l'innovation dans les pays d’origine et de destination.
- 17/12/2018
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Francesco Lissoni, professeur de sciences économiques à la faculté d’économie, gestion et AES de l’université de Bordeaux, est également chercheur en économie et géographie de l’innovation et de la science. Il a obtenu un congé pour recherches lui permettant de visiter l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) ainsi que le Centre for Transformative Innovation (CTI) de la Swinburne University à Melbourne, en Australie. Ces deux universités, qui ont invité Francesco Lissoni en tant que Visiting Professor, sont localisées dans deux pays dont la dépendance des migrants pour la survivance des industries innovantes et du système d’éducation supérieure est importante.

Quels liens entre migration et innovation ?
Depuis toujours, les migrations humaines jouent un rôle clé dans la diffusion internationale des connaissances techniques et scientifiques. Les Huguenots fuyant la France après la révocation de l’édit de Nantes ont contribué au développement de l’industrie textile en Prusse et à la naissance de l’horlogerie suisse. Les chimistes juifs expulsés des universités allemandes pendant le nazisme ont donné aux États-Unis un leadership technologique dans la chimie industrielle qui continue aujourd’hui. Plus récemment, les scientifiques et techniciens russes émigrés après la chute de l’Union soviétique ont joué un rôle clé dans le « miracle high-tech » d’Israël.
Mais les migrants hautement qualifiés ne favorisent l’innovation qu'en transférant des connaissances de pays plus avancés aux pays en quête des connaissances. C’est de Chine, d’Inde ou d'Europe de l'Est que les grandes entreprises et universités américaines, anglaises et allemandes attirent une grande partie des jeunes chercheurs et étudiants, afin de leur permettre de mener à bien leurs projets en recherche et développement. Aux États-Unis par exemple, les résidents nés à l’étranger représentent moins de 20 % de la force du travail, mais presque 30 % des employés dits STEM (Science, Technology, Engineering and Mathematics).
Des questions toujours ouvertes
Les scientifiques anglais de l’après seconde guerre mondiale ont introduit l’expression « brain drain » pour décrire la migration de leurs scientifiques vers les États-Unis, attirés par les moyens de recherche que les universités américaines leur mettaient à disposition. Ensuite, l’expression a été adoptée en relation à la migration des diplômés provenant de pays moins développés, qui avaient misé sur les investissements en éducation pour sortir de la pauvreté et se voyaient dérobés du capital humain ainsi créé. Plus récemment, la recherche économique cherche à établir si, au moins en partie, ce « brain drain » n'est pas compensé par un « brain gain » résultant des incitations individuelles à davantage investir dans l’éducation supérieure, face aux opportunités de migration qu’elle donne. Les études portent également sur les liens que les migrants hautement qualifiés maintiennent avec leur pays d’origine et le rôle que ceux-ci jouent dans le transfert de connaissance, l’ouverture aux marchés internationaux et la migration de retour.
En ce qui concerne le pays de destination, on s’interroge aussi sur la valeur de la diversité culturelle que les migrants STEM apportent dans les équipes des scientifiques et ingénieurs engagées dans de projets innovants, ainsi que dans les régions et villes où ils ont tendance à se concentrer.
Journée internationale des migrants
« La Journée internationale des migrants, le 18 décembre, est l'occasion de dissiper les préjugés et de sensibiliser l’opinion à leurs contributions dans les domaines économique, culturel et social, au profit tant de leur pays d’origine que de leur pays de destination. »
Source : Nations Unies