En première ligne contre le virus de la Covid-19
Dans le cadre de la lutte contre la Covid-19, les virologues ont été fortement impliqués notamment ceux du campus bordelais. Rencontre avec une de ces scientifiques en première ligne dès le printemps, Marie-Line Andreola, chercheuse CNRS au laboratoire Microbiologie fondamentale et pathogénicité (MFP).
- 22/02/2021
© Gautier Dufau
« En l’espace de 15 jours, on se retrouve à devenir spécialiste d’un virus qu’on ne connaissait pas quelques semaines auparavant ». C’est ainsi que résume la situation à laquelle a été confrontée Marie-Line Andreola, chercheuse CNRS en virologie au laboratoire Microbiologie fondamentale et pathogénicité (MFP – CNRS et université de Bordeaux) au printemps dernier. En première ligne et sur deux fronts différents. Le premier dans le cadre de ses propres recherches sur le SARS-COV-2 et le deuxième en tant que responsable de la plateforme UB’L3*, c’est-à-dire un laboratoire de confinement niveau P3 dans lequel il est possible de manipuler le virus responsable de la Covid-19.
Au sein du laboratoire MFP, l’équipe Andevir de Marie-Line Andreola se consacre plus spécifiquement à comprendre les mécanismes qui permettent aux agents pathogènes humains – virus, bactéries – de se développer dans les cellules. Ceci afin de pouvoir trouver des thérapies et également de comprendre la résistance aux traitements de certains de ces pathogènes. Avant l’apparition du SARS-CoV-2, les chercheurs travaillaient sur différents virus, notamment les rétrovirus comme le VIH-1, ou encore ceux transmis par les moustiques : ZiKa et Chikungunya. Concernant le VIH-1, virus à ARN responsable du SIDA, les scientifiques s’intéressent entre autres à une protéine, appelée intégrase.
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Elle permet au virus après avoir transformé son ARN en ADN de s’intégrer dans le noyau des cellules infectées pour ensuite utiliser la machinerie cellulaire à son compte pour se développer. L’intégrase est la troisième enzyme du VIH-1 utilisée en thérapie. Toutefois, l’apparition de mutations de résistance aux traitements nécessite de trouver de nouveaux moyens d’inhiber la réplication virale. Comprendre l’action de cette protéine, et comment la cellule peut réguler l’intégration, pourrait permettre de proposer de nouvelles voies thérapeutiques dans la lutte contre le SIDA, explique Marie-Line Andreola.
Des recherches au cœur des bronches des patients
Et puis est arrivé le virus de la Covid-19. Au tout début, ce qui est considéré comme « une grosse grippe » n’interpelle pas plus que cela les chercheurs. Mais rapidement, l’équipe se dit qu’il est nécessaire de mettre en place les « outils moléculaires » pour manipuler le virus et les proposer à la communauté. Et en quelques jours, tout s’enclenche, un projet Anaconda** est déposé et accepté dans le cadre de l’appel ANR Flash Covid-19, les autorisations de manipulation du virus demandées au Haut Conseil des biotechnologies... D’autres suivront, soutenus par la mission de coordination Covid-19 de l’université de Bordeaux et la région Nouvelle-Aquitaine.
Ce projet Anaconda est proposé en collaboration avec d’autres équipes et chercheurs du MFP (l’équipe d’Harald Wodrich et Marie-Edith Lafon), du Centre de recherche cardio-thoracique de Bordeaux (CRCTB) avec T. Trian (équipe Patrick Bergé) et du Service des maladies infectieuses et tropicales du CHU de Bordeaux avec le professeur Denis Malvy.
Les chercheurs cultivent, en laboratoire, ce qu’ils appellent un modèle d’épithélium bronchique différencié, provenant de patients. C’est-à-dire qu’ils reconstituent in vitro à partir de cellules primaires, un épithélium bronchique, constitué tout comme dans les poumons, de trois types de cellules : des cellules basales, des cellules à mucus et des cellules ciliées… Le but étant de quantifier la production virale après infection, de voir quelles cellules sont le plus infectées et affectées, comment réagissent-elles dans le cadre de la réponse immunitaire inflammatoire. Des modèles bronchiques de différents patients, ayant des facteurs de risque différents (diabète, maladies chroniques…), sont étudiés afin de voir si ces facteurs de risque entraînent des différences dans la réplication du virus mais aussi dans la réponse inflammatoire.
Les chercheurs vont publier prochainement leurs premiers résultats sur leurs observations. En effet, même si aujourd’hui des vaccins préventifs sont aujourd’hui présents et en train d’être administrés, Marie-Line Andreola précise que « qu’il est nécessaire de comprendre comment le virus fonctionne et de trouver des thérapies, notamment avec l’arrivée de variants ».
Un laboratoire de confinement P3 qui tourne en continu
En plus de ses propres recherches, elle a aussi participé à d’autres projets en collaboration avec d’autres chercheurs, en tant que responsable de la plateforme UB’L3, un des seuls laboratoires confinés académiques P3 du grand sud de la France, habilité à manipuler le virus SARS-CoV-2.

Les agents pathogènes sont rangés en 4 classes allant de faible pour la personne et la collectivité, à modéré et élevé, avec des risques de propagation différents. À chaque classe correspond un laboratoire de confinement avec une sécurité adaptée. Le virus de la rougeole ayant un impact modéré pour la personne et faible pour la collectivité est de niveau 2. Celui d’Ebola est de classe 4 avec un risque élevé pour la personne et la collectivité. Au niveau 3, on trouve le virus de la COVID-19, celui du VIH... Un laboratoire P4 étant le plus sécurisé de tous, il n’existe qu’un laboratoire public de ce type en France dans la région lyonnaise. Les laboratoires P3 sont un peu plus répandus, il en existe au CHU de Bordeaux, un à l’institut Bergonié et donc un au niveau de TBM core, piloté par le laboratoire MFP.
« Pour le P3 également, on a dû réagir vite, on a reçu beaucoup de demandes de chercheurs qui travaillaient sur les interactions avec le virus, qui avaient besoin de preuve de concept pour leur recherche pour de nombreuses applications, comme la désinfection de différents objets, dont les masques ».

Les demandes pouvaient provenir d’autres équipes bordelaises, que les chercheurs de MFP connaissaient ou pas, ce qui leur a permis de faire nouvelles collaborations, d’en relancer d’anciennes, mais aussi des demandes émanant de Paris, Clermont-Ferrand, Toulouse… et même d’Italie. C’est le « bon » côté de ces derniers mois, c’était intense, riche et très collaboratif pour Marie-Line Andreola, qui a apprécié de pouvoir échanger avec d’autres laboratoires P3. Elle explique par contre qu’elle et ses collaborateurs, Patricia Pinson et Mathieu Métifiot, n’ont pas vécu le même premier confinement que leurs collègues, étant pratiquement au laboratoire tous les jours, avec les difficultés liées aux problèmes logistiques. Traversant quotidiennement un campus et une ville quasi-déserts. Ils se demandaient comment allait se faire la reprise et le retour au laboratoire. Mais à la sortie du confinement, il y a eu un afflux de demandes toujours aussi important, le laboratoire tournait tous les jours, sur des projets COVID-19 mais aussi sur les autres projets qu’il fallait reprendre. Un retour à une situation quasi-normale, si ce n’est un virus en plus toujours bien présent.
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Marie-Line Andreola
Chercheuse CNRS, responsable de la plateforme UB’L3