Et si c’était elle
Des astrophysiciens bordelais participent à l’étude d’une exoplanète de la taille de la Terre, près de l’étoile la plus proche de nous, Proxima du Centaure. Sans doute la première qui pourra être observée directement par un télescope d’ici quelques années. La découverte de Proxima b est révélée ce mercredi dans la revue internationale Nature.
- 24/08/2016
Vue d'artiste de la planète Proxima b en orbite autour de Proxima du Centaure © ESO/M. Kornmesser
La planète des astrophysiciens… et de tous les amateurs d’étoiles filantes aoûtiennes est en émoi. Une nouvelle planète extrasolaire de masse et insolation - comprenez taux d’ensoleillement et non coup de soleil - comparables à la nôtre vient d’être découverte. Une de plus me direz vous, tant l’info a fait plusieurs fois la une des médias et le tour de la Terre ces deux dernières années. D’ailleurs, les chercheurs du Laboratoire d’astrophysique de Bordeaux (LAB, unité de recherche CNRS et université de Bordeaux) n’étaient pas en reste puisqu’ils avaient participé à la découverte de la première, Kepler 186f.
Oui mais voilà, celle-ci présente un nouvel argument de poids : elle a été découverte autour de Proxima du Centaure. Mais si, rappelez vous, vos premiers cours d’astronomie au collège : c’est l’étoile la plus proche du Soleil… de nous donc. Pas moins que cela. Rien que 4,2 années-lumières de distance, une broutille par rapport aux 500 de Kepler 186f. Une distance qui enthousiaste aussi les trois astrophysiciens bordelais du LAB, Franck Selsis, Sean Raymond et Jérémy Leconte, ayant étudié cette planète, simplement appelée Proxima b, et dont les résultats de recherche sont actuellement soumis à la revue faisant référence en la matière, Astronomy & Astrophysics (mais d’ores et déjà consultables en ligne).
Pouvoir photographier une exoplanète
« A cette distance, on va pouvoir l’observer directement, en savoir plus sur sa composition », explique Franck Selsis. Alors pas tout de suite et pas avec les télescopes actuels, mais d’ici 2025 grâce notamment au futur télescope géant européen (E-ELT) qui observera le ciel avec son miroir de 39 mètres, depuis la Cordillère des Andes au Chili.
« On pourra faire une photographie avec une résolution permettant de voir et l’étoile et la planète alors qu’aujourd’hui, la planète est noyée dans la lumière de l’étoile » précise le chercheur Jérémy Leconte. Pour le théoricien Sean Raymond, « la planète Kepler 186f était un système où on peut imaginer le développement de la vie : une planète d’une bonne taille, avec la bonne orbite autour de son étoile. Mais on reste dans la théorie car elle est beaucoup trop loin pour pouvoir valider quoi que ce soit. Ce ne sera pas le cas avec Proxima b ».

Depuis 1995, et la découverte de la première planète extrasolaire, quelque 2000 de ces objets ont été détectés. Par contre, on compte pour l’instant sur les doigts d’une main celles dont la taille est similaire à la nôtre et qui serait dans la zone d’habitabilité de leur étoile, « à une distance autorisant des températures similaires à celle de la Terre et autorisant l'eau liquide en surface » rappelle Franck Selsis. Et peut-être… peut-être… autorisant l’apparition d’une certaine forme de vie extra-terrestre. Mais on n’en est pas là !
Aujourd’hui et partout dans le monde, des équipes de chercheurs internationaux scrutent le ciel, et surtout les données des instruments, à la recherche de nouveaux candidats. Grâce aux données de Harps, également installé par l’Observatoire européen austral (ESO) au Chili, une équipe a détecté il y a plusieurs mois un candidat près de Proxima du Centaure.
Proxima b, une jumelle de la Terre ?
Cette découverte, qui fait aujourd’hui la une de la revue internationale Nature*, était impossible avant pour les chercheurs. Pour réussir à mesurer les variations de vitesse de l’étoile induites par une planète aussi peu massive et pour s’affranchir des variation et sursauts de luminosité de cette étoile très active il a fallu des innovations technologiques au niveau des spectrographes et aussi le cumul d’années d’observations. « Nous avons rejoint le consortium de chercheurs dès la détection de la planète, explique Jérémy Leconte. Au départ, on devait faire juste une petite étude mais c’est un monstre à plusieurs têtes qui a émergé ». Ce monstre est donc à l’origine de ces deux articles soumis à Astronomy & Astrophysics, signés notamment par les 3 chercheurs bordelais et aussi par Emeline Bolmont, actuellement en post-doc à l’université de Namur, qui était en thèse à l’université de Bordeaux il y a quelques mois.
Dans le premier, ils ont étudié l’évolution de la planète et de son étoile, ont montré que Proxima du Centaure a été beaucoup plus brillante qu’elle ne l’est actuellement et que cela a produit une phase initiale très chaude sur la planète, durant laquelle l’eau – s’il y en avait – était vaporisée. La planète est également soumise à de fortes irradiations (X et UV) qui ont pu générer une perte d’eau et de gaz vers l’espace. Difficile de dire si Proxima b possède une atmosphère. Mais cette hypothèse a été testée dans le 2e papier qui est consacré à l’étude de ses climats grâce à des modélisations 3D. Ils les ont utilisées également pour préparer les futures observations avec le E-ELT et le futur télescope spatial James Webb. L’objectif : savoir si cette planète possède de l’eau, une atmosphère et un climat habitable.
Alors Proxima b, une jumelle de la Terre ? Non répondent tout de go les chercheurs bordelais. Bien que potentiellement capable d’abriter la vie, elle est née d’une étoile très différente du Soleil, est irradié par un spectre de rayonnement différent, subit des forces de marées affectant sa rotation et sa structure interne, et n’a que peu en commun avec notre planète. Un peu comme une cousine éloignée quand même, qu’on a bien hâte de rencontrer…
Pour en savoir plus
Lire les communiqués de presse du CNRS et de l'ESO (français / anglais)
* A terrestrial planet candidate in temperate orbit around Proxima Centauri, par G. Anglada-Escudé et al., 25 août 2016, Nature