La vaccination, un acte citoyen
L’annonce récente par la nouvelle ministre de la santé Agnès Buzyn de la mise en place de l’obligation vaccinale pour les enfants relance le débat très sensible sur la vaccination. Eclairage sur cette question cruciale avec Géneviève Chêne, professeur de santé publique et directrice de l’Institut de santé publique, d’épidémiologie et de développement à l’université de Bordeaux.
- 24/07/2017
Vaccination © guerrieroale - Fotolia
Par Geneviève Chêne
Professeure de santé publique et directrice de l’Institut de santé publique d’épidémiologie et de développement (ISPED) à l’université de Bordeaux ; membre du centre de recherche Bordeaux Population Health (Inserm et université de Bordeaux); chef du pôle de santé publique du CHU de Bordeaux ; directrice de l’Institut thématique multi-organismes (ITMO) santé publique d’Aviesan.

L’intérêt collectif peut-il être préservé tout en respectant la liberté individuelle ?
Un vaccin efficace dote l’organisme de mécanismes de défense contre une maladie, le plus souvent contagieuse. Lorsque la proportion de personnes vaccinées dans une population - couverture vaccinale - est assez élevée pour que la chaîne de transmission soit rompue, les personnes non vaccinées sont indirectement protégées : c’est l’immunité de groupe. On se fait donc vacciner tant pour se protéger soi-même que pour protéger les autres, en particulier les plus fragiles. Et si ces derniers sont également vaccinés, ils contribuent aussi à nous protéger.
Dans les pays occidentaux, nous avons progressivement oublié ce que nous ne voyons plus : les paralysies dues à la poliomyélite, les encéphalites dues à la rougeole ou encore les décès dus au tétanos. Cette efficacité remarquable a été obtenue le plus souvent avec d’autres mesures de prévention. Néanmoins, lorsque la couverture vaccinale devient insuffisante, ces maladies et leurs complications graves peuvent réapparaitre. Aussi récemment qu’en 2015, un enfant espagnol est décédé par diphtérie et un autre lors d’une épidémie de rougeole à Berlin.
Une possible toxicité des vaccins ?
Depuis une trentaine d’années, la controverse enfle autour de la possible toxicité des vaccins. En France dans les années 90, une campagne de vaccination mal maîtrisée contre l’hépatite B a conduit à vacciner massivement des adultes pour lesquels l’indication était mal posée. Plus de 20 ans après, la polémique autour des cas de sclérose en plaques possiblement induits par ce vaccin reste vive et le doute scientifique persiste. Plus récemment, l’adjuvant à base d’aluminium de certains vaccins a été mis en cause dans la survenue de cas de myofasciite à macrophages - syndrome se caractérisant par une fatigue chronique, des douleurs musculaires et articulaires. Le système remarquable de pharmacovigilance français reconnait les signaux faibles, mais l’imputabilité reste un exercice difficile.
Une certaine confiance malgré des inquiétudes
La politique vaccinale de la France comporte à la fois une obligation de vacciner les enfants contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite mais aussi des recommandations selon un calendrier vaccinal régulièrement mis à jour. Un calendrier qui a évolué de la protection immédiate de maladies mortelles chez l’enfant vers la prévention de maladies à plus long terme (cirrhose et cancer du foie pour l’hépatite B, cancer du col pour le papillomavirus). Par ailleurs, les vaccins étant produits par un nombre limité d’entreprises compte tenu des compétences techniques et des coûts de production nécessaires à leur fabrication, cette politique dépend donc des décisions prises par ces entreprises et reste à la merci des ruptures de stock.
Si l’ensemble de ces éléments entretient les inquiétudes exprimées par les ligues et associations anti-vaccins, la confiance persiste pour plus de 90 % des médecins généralistes comme le démontre une étude effectuée par l’Inserm en 2010 . Il est également intéressant de remarquer que, au sein de la cohorte i-Share, la couverture vaccinale est systématiquement plus élevée chez les étudiants de la filière santé.
Or, la capacité de dialogue avec leur médecin est un déterminant important de la très bonne adhésion des adultes à la vaccination, qui évolue favorablement : 80 % en 2014 contre seulement 60 % en 2010, selon le baromètre santé de l’Inpes . Les données françaises de surveillance et celles de l’Aquitaine en particulier, montrent par ailleurs que la couverture vaccinale des enfants contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la coqueluche et le pneumocoque est proche de la cible de 95 %. En revanche, elle reste insuffisante pour certains vaccins, comme l'hépatite B et le papillomavirus chez l’adolescent ou la grippe chez l’adulte et les personnes âgées.
A la suite du rapport Hurel sur la politique vaccinale, une conférence nationale sur la vaccination est lancée en 2016. Il faut dépassionner les termes du débat car partisans et adversaires de la vaccination ont le même but : promouvoir la santé à tous les âges. Avant tout, il est très important de rappeler les bonnes raisons de se faire vacciner, d’analyser les circonstances des crises récentes et de distinguer les risques avérés pour que chacun se sente informé et en confiance, convaincu plutôt que contraint, responsabilisé plutôt que culpabilisé. Chaque citoyen doit être en mesure de prendre les décisions concernant sa santé en toute connaissance de cause.