Le graphène, quel phénomène !

Il est plus rigide que l’acier. Fait un atome d’épaisseur. Et ondule dans l’eau comme une anguille, car hyper flexible. C’est cette dernière propriété d’un matériau révolutionnaire, l’oxyde de graphène, qui est dévoilée cette semaine par des chercheurs bordelais dans la revue internationale PNAS.

  • 28/09/2016

Ondulations d'un feuillet d'oxyde de graphène et film conducteur souple ©CRPP/CNRS Ondulations d'un feuillet d'oxyde de graphène et film conducteur souple ©CRPP/CNRS

Si le terme « graphène » ne vous dit rien, le « graphite » vous est peut-être plus familier. Ce dernier est le nom d’un matériau qui compose la mine de votre crayon papier, « graphein » signifiant en grecque « écrire » ou « dessiner ». L’un est constitutif de l’autre : en empilant des couches de graphène, un cristal composé uniquement d’atomes de carbone, on obtient du graphite. Mais les deux matériaux ont des propriétés bien différentes, et ce sont celles du plus petit qui, aujourd’hui, fascinent les chercheurs du monde entier. Le graphène se présente sous la forme de feuillets dont la finesse est inégalée : un atome de carbone en tout et pour tout d’épaisseur. Une taille de guêpe à en faire pâlir les autres matériaux qui est loin d’être son seul atout ! Le graphène semble en effet être tout droit sorti des élucubrations oniriques d’un savant fou : il est à la fois un très bon conducteur, un film d’une transparence parfaite et une matière très rigide : au moins 100 fois plus que l’acier. Généralement, la résistance à l’étirement va de pair avec la résistance à la torsion. Le graphène, lui, ne l’entend pas ainsi : il présente également une hyper flexibilité quand on l’oxyde. « Un matériau à ce point solide et adaptable, c’est unique » souligne Cécile Zakri, professeur à l’université de Bordeaux et directrice du Centre de recherche Paul Pascal (CRPP).

Une souplesse qui offre de belles promesses

Les recherches sur les propriétés physico-chimiques de l’oxyde de graphène et sur ses applications possibles vont tambour battant. Électronique flexible, aéronautique, énergies, médecine : il pourrait marquer un tournant dans l’high-tech de demain avec écrans tactiles fins et mous, batteries à recharge ultra rapide, nouveaux panneaux solaires, filtration par membrane... Des projets technologiques qui s’appuient sur des résultats scientifiques en amont. Comme les derniers travaux réalisés par l’équipe Nanotubes et Graphène du CRPP : évaluer à quel point l’oxyde de graphène est flexible. « Mis en solution dans de l’eau, on observe que les feuillets ondulent comme des drapeaux au gré du vent » explique de façon imagée Cécile Zakri. En induisant un écoulement plus ou moins fort dans le fluide, le feuillet se tend ou ondoie. L’objectif pour l’équipe bordelaise : donner une valeur chiffrée à cette flexibilité.

Un beau coup de filet sur un maillage prometteur ?

Leurs résultats : si l’oxyde de graphène est plus rigide que l’acier, sa flexibilité est si basse qu’elle est comparable à celle d’une couche de savon flottant sur l’eau ! « C’est dix fois moins grand que ce à quoi nous nous attendions » raconte Philippe Poulin, directeur de recherche CNRS. Un résultat atypique qui a surpris au départ le comité de lecture de la revue internationale PNAS, dans laquelle leurs travaux viennent de paraître !

Les chercheurs du CRPP ayant participé à l'étude sont, de gauche à droite : Annie Colin, Philippe Poulin, Cécile Zakri, Wilfrid Neri et Frédéric Nallet. ©CRPP/CNRS

« Les résultats que nous avons obtenus appellent à des études théoriques » explique Philippe Poulin. L’oxyde de graphène se présente comme un réseau de carbones hexagonal, un maillage en nid d’abeille. Dans cette structure plane, les atomes d’oxygène modifient les liaisons et on observe des imperfections, des trouées. Supposition avancée par l’équipe : ce sont elles qui facilitent fortement la flexion, mais pas l’étirement.
Un nouveau pas dans une recherche globale et internationale qui attire déjà les industriels. Reste la question des difficultés de production du graphène et de sa stabilité et uniformité pour l’intégrer à d’autres matériaux.

Yoann Frontout
Journaliste scientifique stagiaire
Direction de la communication

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Référence de la publication

Graphene Oxide: hard as steel, flexible as a liquid. Philippe Poulin, Rouhollah Jalili, Wilfrid Neri, Frédéric Nallet, Thibaut Divoux, Annie Colin, Seyed Hamed Aboutalebi, Gordon Wallace, Cécile Zakri.

Contacts scientifiques

Philippe Poulin
directeur de recherche CNRS

Cécile Zakri
professeur à l’université de Bordeaux