Les chimiokines au cœur de la recherche en oncologie

Des chercheurs bordelais s’intéressent aux chimiokines, des protéines impliquées dans les mécanismes par lequel les cellules tumorales envahissent les tissus. Ces travaux ont fait l’objet de différentes publications, notamment dans Nature communication.

  • 27/11/2017

Les cellules tumorales d'un gliome ne surexprimant pas le récepteur CXCR3 ©LAMC Les cellules tumorales d'un gliome ne surexprimant pas le récepteur CXCR3 ©LAMC

Dans les années 90, les chercheurs ont découvert une nouvelle et grande famille de protéines appelées chimiokines. Elles sont dites « chimioattractantes » car elles permettent notamment l’attraction de cellules du système immunitaire chez les vertébrés au niveau d’une infection pour lutter contre. Au fil des ans, les études ont montré que ces chimiokines étaient impliquées dans le cadre de nombreuses maladies, notamment cardiovasculaires, neurodégénératives, VIH... Elles sont donc particulièrement étudiées, ainsi que les récepteurs qu’elles activent sur les cellules, afin de mieux comprendre leur rôle et fonctionnement. L’équipe d’Andreas Bikfalvi du Laboratoire de l’angiogénèse et du microenvironnement des cancers (LAMC, unité de recherche Inserm et université de Bordeaux) s’intéresse depuis plusieurs années au rôle d’un récepteur en particulier appelé CXCR3 dans le cancer et l’invasion tumorale.

Des recherches pouvant être étendues à différents cancers et pathologies

Ce projet de recherche concernant ce récepteur aux chimiokines a fait l’objet de différentes publications dont la dernière très récemment dans Nature communication. L'équipe d'Isabel Alves de l’institut de Chimie et biologie des membranes et des nano-objets (CBMN, unité de recherche CNRSCentre national de la recherche scientifique , Bordeaux INP et université de Bordeaux y est également impliquée. Cette étude s’intéresse à une des deux formes de ce récepteur qui présente des propriétés pro-tumorales.
En effet, l’équipe de recherche a pu identifier un co-récepteur LRP1 à CXCR3-A. Quand les deux récepteurs LRP1 et CXCR3-A forment un complexe sur la membrane, le récepteur CXCR3-A peut rentrer dans la cellule et être recyclé. Mais dans les cellules tumorales, le co-récepteur LRP1 est inhibé, le récepteur CXCR3-A va rester plus présent sur les membranes des cellules et notamment celles qui sont invasives à la périphérie des tumeurs.

La figure montre une expérience avec des tumeurs de gliome surexprimant CXCR3 (haut à gauche) et des tumeurs de gliome qui n'expriment pas CXCR3 (haut à droite). La tumeur exprimant CXCR3 est blanchâtre et invasive. La tumeur qui n'exprime pas CXCR3 est rougeâtre, angiogénique et non invasive. Les cellules tumorales dans les deux types de tumeurs se colorent pour la vimentine (rouge). Cependant, les tumeurs invasives exprimant CXCR3  n'ont pas des niveaux significatifs de LRP1 (vert). Les tumeurs qui n'expriment pas CXCR3 ont des niveaux élevés de LRP1 (vert, fusionner avec le rouge pour la vimentine -> jaune). @LAMC

Ceci constitue donc un nouveau mécanisme par lequel les cellules tumorales envahissent les tissus, explique Andreas Bikfalvi, par ailleurs directeur du LAMC. « Ce travail a été réalisé sur les tumeurs cérébrales mais apporte, sans doute, une signification plus large et peut être étendu à d’autres types de tumeurs et pathologies ».

Une recherche intégrée de la molécule au patient

Ces découvertes font également suite à d’autres résultats de ces équipes de recherche qui travaillent sur les tumeurs cérébrales mais aussi sur le cancer du pancréas, également très agressif et invasif.
Le récepteur CXCR3 existent chez l’être humain sous deux formes principales A et B. Dans un travail publié dans Cancer Research (Quemener et al, Can Res, 2016), l’équipe a montré que la présence et l’activation de CXCR3-A ou CXCR3-B par les chimiokines a une fonction diamétralement opposée. CXCR3-A exprimé au niveau des cellules tumorales a un effet pro-tumoral et pro-invasif tandis que CXCR3-B exprimé au niveau vasculaire a un effet opposé.
Quand un récepteur est activé par une chimiokine, sa forme change ce qui entraîne différents événements cellulaires. Les chercheurs ont pu montré des différences dans les modifications de forme de CXCR3-A ou CXCR3-B après activation par leurs chimiokines (Boyé et al, Scientific reports, 2017).

Mieux connaître CXCR3-A et en faire une cible thérapeutique, comprendre pourquoi le récepteur LRP1 est inhibé et tenter de l’empêcher... sont autant de pistes à explorer pour les chercheurs bordelais dans un projet de recherche intégrée allant de la molécule jusqu’au patient.

Un consortium international sur les tumeurs cérébrales

Les gliomes, qui sont les tumeurs cérébrales les plus courantes, sont divisées en gliome de haut grade et bas grade. Les premières sont extrêmement agressives et très invasives. Les gliomes de bas grade ont des comportements différents : elles peuvent évoluer vite ou alors très lentement. Ces cancers touchent particulièrement des personnes jeunes de moins de 30 ans. C’est justement pour avoir un moyen de prédiction de l’évolution de ces gliomes de bas grade, intégrant des données complexes d’imagerie, de génétique, de données moléculaires... qu’un consortium vient d’être créé. Il vient d’être retenu dans le cadre d’un programme européen TRANSCAN-2 (Translational Cancer Research : "Minimally and non-invasive methods for early détection and/or progression of cancer").

Ce consortium est coordonné par Andreas Bikfalvi, il associe son équipe du LAMC, ainsi que des chercheurs bordelais : de l’Institut de mathématiques de Bordeaux et de l’équipe de modélisation en oncologie Monc-Inria : Olivier Saut et Thierry Colin, du centre de recherche Bordeaux population health et de l’équipe Statistiques pour la médecine translationnelle - SISTM-Inria : Rodolphe Thiebaut et des partenaires internationaux (Lorenzo Bello, Humanitas, Université de Milan ; Rolf Bjerkvig, Centre Jepsen pour la recherche sur les tumeurs cérébrales, Université de Bergen, Norvège).

 

Thèmes :

Références

The role of CXCR3/LRP1 cross-talk in the invasion of primary brain tumors. Boyé and al.

Contact scientifique

Andreas Bikfalvi
Directeur du Laboratoire de l’angiogénèse et du microenvironnement des cancers