Mieux déterminer la température des gaz dans l’univers

Des chercheurs de l’équipe Comex* de l’Institut des sciences moléculaires publient dans la revue Nature Chemistry du 4 avril 2015 des travaux reproduisant en laboratoire des collisions se déroulant dans le milieu interstellaire, et permettant de valider des résultats théoriques.

  • 09/04/2015

La nébuleuse d'Orion, partie principale d'un nuage de gaz et de poussières appelé le nuage d'Orion. © NASA_JPL-Caltech_STScI La nébuleuse d'Orion, partie principale d'un nuage de gaz et de poussières appelé le nuage d'Orion. © NASA_JPL-Caltech_STScI

Les étoiles naissent dans des nuages moléculaires, qui sont de grosses nébuleuses de gaz et de poussières. Comment étudier les réactions physico-chimiques dans ces milieux interstellaires extrêmes ? Généralement ce sont les calculs théoriques et les observations astronomiques qui prédominent. Mais pour valider les premiers et permettent de comprendre les deuxièmes, il est intéressant de pouvoir réaliser des expériences en laboratoire. C’est ce qu’arrivent à faire depuis plusieurs années des chercheurs de l’équipe Comex* en reproduisant, sur le campus universitaire, des réactions qui se produisent dans ces nuages moléculaires, caractérisés par des températures très basses (de l’ordre de 10 Kelvin soit – 263°C).

Dans un gaz, les molécules s’entrechoquent sans cesse. Au cours de ces collisions, elles peuvent s’échanger de l’énergie, c’est-à-dire qu’une des molécules repart en ayant pris une partie de l’énergie de l’autre molécule. Ces collisions incessantes permettent d’atteindre un état d’équilibre, définissant la température du milieu. Pour déterminer cette température dans ces milieux non accessibles, il est nécessaire de connaître les phénomènes de transfert d’énergie entre les molécules. Mais à de telles températures, l’énergie cinétique moyenne des molécules (c’est-à-dire l’énergie des molécules en mouvement) est très faible. Dans ces conditions, les collisions ne peuvent plus être décrites par la mécanique classique, mais par la mécanique quantique**.

Accord parfait entre expérience et théorie

L’expérience de faisceaux moléculaires croisés développée par Michel Costes, directeur de recherche CNRSCentre national de la recherche scientifique et le professeur de l’université de Bordeaux, Christian Naulin permet de générer des collisions moléculaires à énergie contrôlée, définie et suffisamment basse. Avec Astrid Bergeat, maître de conférences à l’IUT de Bordeaux, ils ont pu mettre en évidence ce comportement quantique des collisions de la molécule CO (détectée dans de très nombreux milieux astrophysiques et utilisée comme « thermomètre » de ces milieux) avec des atomes d’hélium (deuxième élément le plus abondant dans l’espace après l’hydrogène).

Intérieur de la chambre d'expérimentation © Comex
Vue globale de la chambre d'expérimentation © Comex

Leurs résultats expérimentaux montrent que la probabilité d’excitation rotationnelle de la molécule CO par collision avec He est plus grande à certaines énergies de collision : ce comportement est dû à des phénomènes de « résonances » quantiques se produisant seulement à des énergies bien définies. L’accord quasi-parfait entre ces résultats et ceux des calculs théoriques obtenus par des chercheurs de l’université de Nimègue***, atteste de la qualité de ces calculs, et permet de valider les probabilités (ou taux) de collisions calculées pour différentes températures. Ces données permettent ensuite aux astrophysiciens de modéliser les milieux interstellaires, et donc de mieux comprendre ces milieux où naissent les étoiles.

*COllisions Moléculaires en milieux EXtrêmes, équipe de l’Institut des Sciences Moléculaires (unité de recherche mixte entre l’université de Bordeaux, le CNRS et de Bordeaux INP)
**La mécanique quantique recouvre un ensemble de théories nées au XXe siècle qui décrivent le comportement des atomes et des particules, ce que la mécanique classique n’avait pas réussi faire.
***Ces calculs de dynamique quantique ont été réalisés par la doctorante Jolijn Onvlee et Ad van der Avoird, professeur de l’université Radboud de Nimègue (Pays-Bas).

Références :

Quantum dynamical resonances in low-energy CO (j = 0) + He inelastic collisions
Astrid Bergeat, Jolijn Onvlee, Christian Naulin, Ad van der Avoird et Michel Costes
Nature Chemistry, 7 (2015),  349–353 - doi:10.1038/nchem.2204

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