Mouvement de récepteurs, physiologie cérébrale, maladies neuropsychiatriques : un tryptique crucial

Deux chercheurs de l'IINS* décrivent dans un article publié vendredi 12 juin 2020 dans la revue Science, comment le mouvement membranaire des récepteurs neuronaux régule la plasticité synaptique, les fonctions cognitives et joue vraisemblablement un rôle-clé dans certaines maladies neuropsychiatriques.

  • 12/06/2020

© Laurent Groc et Daniel Choquet / Bordeaux Neurocampus © Laurent Groc et Daniel Choquet / Bordeaux Neurocampus

Comprendre comment les sites de contact entre neurones, appelés synapses, sont formés à l’échelle moléculaire, fonctionnent et s’adaptent au cours de la vie et en fonction de l’activité cérébrale a été, et reste, un des grands enjeux de la science moderne. La découverte que l'efficacité de la transmission synaptique peut être modifiée par l'activité neuronale a été une étape majeure dans la compréhension des fonctions cérébrales, comme l’apprentissage, la mémorisation et notre représentation sensorielle du monde.

Les différentes formes de plasticité synaptique dépendante de l'activité ont été très tôt proposées comme substrat biologique de l'apprentissage et de la mémoire. Cela a initialement encouragé les neurophysiologistes à envisager les mécanismes de la plasticité synaptique dans le seul cadre des propriétés quantiques de la libération du neurotransmetteur, ignorant largement la révolution de la biologie cellulaire qui se produisait en parallèle. Ainsi, dans les années 70, en même temps que la plasticité synaptique était découverte, la fluidité des membranes cellulaires était établie.

Le cerveau, un réseau de cellules fortement interconnectées

Ces découvertes, pourtant contemporaines, ont rarement été croisées. Alors que les biologistes cellulaires établissaient le rôle du trafic des récepteurs dans différentes fonctions cellulaires, les neuroscientifiques considéraient largement la fonction de synapse comme basée sur les propriétés unitaires du récepteur et le contrôle de la libération du neurotransmetteur. Il y a seulement une vingtaine d'années que les deux champs se sont mutuellement fécondés. La régulation des mouvements des récepteurs dans et hors des synapses est alors devenue un mécanisme fondamental de la plasticité synaptique.

La synapse excitatrice glutamatergique, qui représente environ 80 % de la transmission synaptique dans le cerveau, a été le principal objet d’étude. Au cours des deux dernières décennies, les scientifiques ont montré que le mouvement membranaire des récepteurs glutamatergiques n’est pas seulement important pour apporter les récepteurs à la synapse, mais est aussi à la base des processus de plasticité synaptique à court- et long-terme. L’universalité de ce processus a été renforcée par le fait que la plasticité synaptique à long-terme et la capacité de mémorisation dépend de la dynamique membranaire de 2 familles de récepteurs glutamatergiques, "AMPA" et "NMDA". La mobilité des récepteurs est donc un des paramètres clés de la capacité d’une synapse à s’adapter et permettre le codage d’information dans le cerveau.

Un rôle-clé dans certaines maladies neuropsychiatriques

Un nombre grandissant d’observations permet d'établir que la transmission synaptique est altérée dans diverses maladies neurologiques et psychiatriques, faisant émerger l’hypothèse que ces maladies sont des « synaptopathies », c’est-à-dire des pathologies dans lesquelles le dysfonctionnement de la synapse participe grandement à l’étiologie. En se fondant sur le rôle essentiel de la dynamique membranaire des récepteurs dans la physiologie synaptique, les chercheurs de l'IINS* ont montré qu’une altération de la dynamique membranaire des récepteurs est associée à différents modèles animaux de maladies neurologiques et psychiatriques. Par exemple, la présence d’auto-anticorps dirigés contre le récepteur NMDA est observée dans le cerveau de patients présentant des troubles psychotiques. A l’échelle moléculaire, ces autoanticorps pathologiques perturbent massivement le mouvement membranaire des récepteurs, sans agir sur l’activité "canal" du récepteur per se. Une altération du mouvement peut donc engendrer une dysfonction synaptique et une palette de désordres neurologiques et psychiatriques chez l’homme.

Dans l’avenir, le développement de nouvelles méthodes de visualisation in vivo du mouvement des récepteurs dans le cerveau et d’outils moléculaires et pharmacologiques pour contrôler ce mouvement conduiront probablement au développement d’une nouvelle pharmacopée cérébrale.            

*IINS - Institut interdisciplinaire de neurosciences (CNRS et université de Bordeaux - Bordeaux Neurocampus)

Sources : Institut des sciences biologiques du CNRS

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Référence bibliographique

Linking glutamate receptor movements and synapse function Groc L, Choquet D.

Contacts scientifiques

Daniel Choquet
Directeur de l'IINS

Laurent Groc
Directeur-adjoint de l’IINS