Observer les signes de la naissance d’une planète
Une équipe de scientifiques, notamment du Laboratoire d'astrophysique de Bordeaux, ont mis en évidence les signes révélateurs d'un système planétaire en formation. Ces observations de la jeune étoile AB Aurigae pourraient être la première preuve directe de la naissance d'une planète, et font l'objet d'un article publié le 20 mai 2020 dans la revue Astronomy & Astrophysics.
- 25/05/2020
Disque autour de la jeune étoile Aurigae AB présentant des signes de la naissance d'une planète © ESO/Boccaletti et al.
Bien que l’on connaisse des milliers d’exoplanètes, très peu de choses sont connues sur leur formation. Il est communément admis que les planètes se forment dans les premiers millions d’années de la vie des systèmes planétaires, à l’intérieur de grands disques protoplanétaires par accumulation de gaz et de poussières. De nouvelles observations du système AB Aurigae, publiées le 20 Mai 2020 dans la revue Astronomy & Astrophysics et impliquant des chercheurs du Laboratoire d’astrophysique de Bordeaux (LAB - CNRSCentre national de la recherche scientifique et université de Bordeaux), permettent de mieux comprendre ces processus de formation et de les confronter aux travaux théoriques.
L’étoile AB Aurigae, située à 520 années-lumière, fait partie des systèmes très jeunes où l’on pense que la formation planétaire a déjà démarré. Il y a trois ans, l’interféromètre radio-millimétrique ALMA avait déjà pu identifier deux grandes spirales de gaz dans la zone interne du système, à moins de 100 unités astronomiques de l’étoile*. D’après les modèles théoriques, une protoplanète peut créer une perturbation dans le disque de gaz qui se manifeste sous la forme de spirales. Une telle perturbation est comparable à l’onde qui se propage dans le sillage d’un bateau se déplaçant sur l’eau, elle s’enroule en spirale du fait de la rotation de la planète autour de son étoile.

Les observations ont été obtenues entre fin 2019 et début 2020 avec l’imageur SPHERE au Very Large Telescope de l'Observatoire Européen Austral (ESO), situé à Cerro Paranal dans le désert d'Atacama au nord du Chili. Elles ont non seulement permis de confirmer la présence de ces spirales, grâce à la diffusion de la lumière stellaire par les petits grains de poussière qu’elles contiennent, mais surtout d’identifier une structure en forme de « S » qui s’apparente à la torsion attendue pour une spirale lorsque celle-ci est générée par une protoplanète. En réalité cette torsion correspond à la connexion entre deux spirales : l’une partant vers l’intérieur de l’orbite de la planète et l’autre vers l’extérieur. Ces spirales permettent à la planète d’accréter de la matière et de grossir.
Bien que la planète à l’origine de cette spirale ne soit pas visible, c’est la première fois que l’on peut mettre en évidence une telle structure, parfaitement expliquée par les modèles de formation planétaire. Le point de convergence des deux spirales se situe à une distance de 30 unités astronomiques de l’étoile centrale, c’est-à-dire à peu près la distance de Neptune dans le Système Solaire. Il reste toutefois difficile de déterminer la masse de l’objet produisant ces spirales compte tenu de la forte absorption par le gaz et la poussière environnants. Ce nouveau résultat renforce l’intérêt d’observer des systèmes très jeunes en exploitant la synergie entre les instruments SPHERE et ALMA.
*Une unité astronomique est égale à la distance Terre-Soleil, soit 150 millions de km
Référence bibliographique :
A. Boccaletti, E. Di Folco, E. Pantin, A. Dutrey, S. Guilloteau, Y. W. Tang, V. Piétu, E. Habart, J. Milli, T. L. Beck and A.-L. Maire, Possible evidence of ongoing planet formation in AB Aurigae.
Contacts scientifiques :
Emmanuel Di Folco
Astronome-adjoint au LAB
Anne Dutrey
Directrice de recherche au LAB