Pleins feux sur la flavescence dorée

Une journée entière était consacrée à une grave maladie incurable et contagieuse de la vigne qui touche presque tout le vignoble français, à l’Institut des sciences de la vigne et du vin le 26 mai dernier. Des acteurs du secteur se sont réunis autour des chercheurs de l’université et de l’Inra afin de mieux comprendre cette épidémie, la bactérie responsable de la flavescence dorée et son insecte vecteur, Scaphoideus titanus.

  • 25/06/2014

© INRA Bordeaux/Julien Chuche/Sylvie Malembic-Maher © INRA Bordeaux/Julien Chuche/Sylvie Malembic-Maher

La nature est ainsi (mal ?) faite. En voulant lutter contre une maladie redoutable de la vigne (phylloxera) un insecte a été introduit en Europe, vecteur d’une autre maladie d’origine bactérienne, la flavescence dorée. Jusqu’au début du siècle dernier, la bactérie responsable de cette maladie, un phytoplasme, serait restée cantonnée à des plantes sauvages (aulnes, clématites…) et la production viticole n’avait jamais eu à en souffrir. Mais la cicadelle Scaphoideus titanus, vecteur de cette bactérie, aurait très certainement été importée après 1950 via des porte-greffes, de pieds de vignes, d’origine américaine. La rencontre sur un même territoire du phytoplasme et d’un insecte vecteur inféodé à la vigne a causé le début d’une épidémie contre laquelle la viticulture européenne se bat aujourd’hui à grande échelle.

« C’est l’histoire de l’agriculture, explique Alain Blanchard, chargé de mission Recherche à l’Institut des sciences de la vigne et du vin (ISVV) et professeur à l’université de Bordeaux, il s’agit d’un écosystème fragile qui nécessite une lutte permanente contre les agents phytopathogènes, avec une attention particulière pour ceux qui peuvent être introduits lors d’importation de matériel végétal ». La flavescence dorée touche actuellement tout le vignoble français, à l’exception pour l’instant de la Champagne et de l’Alsace, mais aussi des pays européens : Portugal, Italie, Hongrie… Elle a été à la une des médias, ces derniers mois, dans un cadre plus judiciaire du fait d’un viticulteur de Côte-d’Or ayant refusé de traiter contre la maladie. « Nous sommes régulièrement sollicités sur le sujet », indique Denis Thiéry, directeur de recherche Inra. C’est la raison pour laquelle ces chercheurs de l’ISVV ont décidé d’organiser « un véritable point technique et scientifique » ce lundi 26 mai.

Pied de vigne touché par la flavescence dorée © INRA Bordeaux

« Nous étions à même d’organiser cette journée car nous concentrons sur le site bordelais le plus grand nombre de chercheurs qui travaillent sur ce sujet au sein des deux laboratoires Biologie du fruit et pathologie et Santé et agroécologie du vignoble » précise Alain Blanchard. L’assemblée de 110 places avait fait le plein à l’ISVV, de chercheurs mais aussi de membres de syndicats viticoles du bordelais, de Cognac, de Champagne et Bourgogne…, de services de l’État (direction générale de l’alimentation, groupement de défense contre les organismes nuisibles – GDON…), conseillers viticoles, etc.

Une lutte sur tous les fronts

La journée était organisée en trois parties : biologie et état des connaissances de la maladie, puis retours d’expérience sur différents plans de lutte et enfin les pistes de recherche.
En effet, la lutte actuelle contre cette maladie combine une prospection pour la détection des foyers de la maladie, l’arrachage des plants infectés et des traitements insecticides. Si un pied malade est détecté dans une parcelle (les feuilles jaunisses chez les cépages blancs – d’où le nom de la maladie - et deviennent rouges chez les cépages rouges, les raisins sont plus acides et dépérissent…), le viticulteur doit arracher le pied. Et si plus de 20 % de la parcelle est touchée, il doit arracher toute la parcelle. En parallèle, des zones de traitement obligatoire sont appliquées dans les vignobles autour pour éviter qu’elle ne se propage, la maladie étant dite de quarantaine. Plus de 90% du vignoble bordelais est actuellement en zone de lutte obligatoire.  « Aujourd’hui, il n’y a pas de méthode alternative mais on se prépare pour demain, pour Alain Blanchard. On doit proposer de nouvelles méthodes de lutte, permettant de réduire l’utilisation de produits phytosanitaires comme préconisé par le plan Ecophyto 2018. Notre originalité est aussi la lutte sur tous les fronts : insecte, bactérie et vigne ».

Etude de la Cicadelle Scaphoideus titanus en train de s'alimenter sur la feuille © INRA - Julien Chuche

L’équipe de l’unité Santé et agroécologie du vignoble travaille plus spécifiquement sur la cicadelle. Cet insecte piqueur-suceur (comme le puceron) est plus petit qu’un centimètre. Il a un cycle de vie d’un an. La transmission de la flavescence dorée ne se fait pas de la mère aux œufs, mais de la plante infectée à l’insecte.

Une bactérie non cultivable en laboratoire

La femelle pond les œufs sous l’écorce des pieds de vigne ce qui les rend pratiquement indétectables. Julien Chuche a étudié la biologie de l’insecte durant sa thèse avec Denis Thiery. Ils ont notamment découvert que lors d’un hiver froid, les éclosions commenceront plus tardivement mais se feront sur une durée plus courte. Cette information a une importance concernant la date des traitements insecticides des larves. Ils ont essayé aussi de comprendre son comportement alimentaire, lui aussi invisible à l’œil nu car il a lieu à l’intérieur des tissus des feuilles. A terme, ils pourraient trouver le moyen de rendre des tissus et vignes plus ou moins attractifs pour l’insecte.

Bouture de la flavescence doree © INRA Bordeaux

A l’unité Biologie du fruit et pathologie, ce sont les mécanismes d’interaction entre la bactérie et ses hôtes : la cicadelle et la vigne qui sont étudiés par le groupe animé par Xavier Foissac. L’entreprise est rendue ardue par le fait que cette bactérie ou phytoplasme n’est pas cultivable, les chercheurs n’arrivant pas à la propager en laboratoire. Ils essaient également de trouver une plante qui serait plus résistante pour comprendre les mécanismes naturels qui permettent à la plante de résister à cette infection. Différents cépages, portes-greffes et aussi espèces sauvages de vigne ont été étudiés et comparés. Les premiers résultats montrent une sensibilité différente à la maladie, par exemple le merlot semble moins sensible que le cabernet sauvignon. Par contre, il est encore difficile de savoir si la vigne est moins sensible, parce qu’elle résiste au mieux aux piqûres de l’insecte ou au phytoplasme.
Toutes les avancées sont attendues avec impatience et intérêt par les viticulteurs pour les aider à lutter contre cette maladie actuellement incurable.

Pour en savoir plus : voir le dossier sur la flavescence dorée (Inra) et télécharger le programme détaillé.

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Vidéos

Les vidéos des conférences de la journée "Flavescence dorée" sont disponibles en ligne