Restitution de sépultures et d'ossements au Maroc
Une dizaine de sépultures et des ossements de la nécropole de Skhirat ont été rapatriés à Rabat en avril 2019, après 35 années passées à l’université de Bordeaux. Une cérémonie de restitution a lieu le 26 septembre notamment en présence de personnalités du campus bordelais.
- 26/09/2019
Restes humains provenant de la nécropole de Skhirat, Maroc © université de Bordeaux
Sur le littoral à 25 km au sud-ouest de Rabat ont été mises au jour une centaine de tombes, aux nombreux ossements d’enfants exceptionnellement bien conservés. Provenant de la nécropole de Skhirat, ce précieux patrimoine archéologique est daté entre 4380 et 4300 ans avant JC, et s’inscrit dans le Néolithique moyen marocain. Il est à l’origine d’un style céramique original, dit « de Skhirat », dont les principales caractéristiques se sont diffusées au-delà de l’Afrique.
Découverte lors de travaux dans une sablière, la nécropole de Skhirat a fait l’objet de fouilles de sauvetage entre 1980 et 1984. Celles-ci furent co-dirigées par Jean-Paul Daugas (ministère de la culture, France) et Fatima-Zohra Sbihi-Alaoui (Insap - Institut national des sciences de l’archéologie et du patrimoine, Maroc) dans le cadre des travaux de la Mission archéologique française au Maroc. Une fois l’ensemble du matériel cartographié et les positions des corps dessinées, les scientifiques ont prélevé, en bloc, diverses unités. Une partie des unités funéraires a été apportée à Bordeaux au milieu des années 80 pour y être étudiée puis a récemment été rapatriée au Maroc.
Sauvetage d’une importante découverte
Une dizaine de sépultures, ainsi que des ossements isolés, ont été étudiés par Jean-Paul Lacombe, anthropologue et également médecin, collaborateur du laboratoire Pacea*. En déterminant l’âge et le sexe des individus, le chercheur a constaté que la nécropole de Skhirat a pour spécificité de présenter beaucoup d’ossements d’individus immatures. Un nettoyage et un conditionnement des vestiges a ensuite été réalisé en 2014 par une restauratrice, afin que le matériel puisse être transporté et rejoindre le reste de la collection au Maroc.
Cependant, le cas un peu exceptionnel d’un rapatriement, à l’étranger, de restes humains issus de fouilles et sortis pour étude s’est avéré ne pas être une mince affaire. « Attestation du ministère de la culture, inventaire descriptif, vérification de la conformité des caisses, facture du transporteur… Nombreux sont les éléments nécessaires et les personnes impliquées dans le dossier à fournir pour accompagner le matériel et permettre son passage en douane dans les deux pays, explique Dominique Armand, chargée des collections au laboratoire Pacea et qui a participé au montage du dossier démarré fin 2018. Une autre difficulté était qu’il n’y existait pas de réel protocole, nous contraignant à découvrir les étapes au fur et à mesure. »
Rude voyage pour matériel délicat
C’est stockées dans 19 coffrages en bois et caisses en plastique que ces sépultures ont pu enfin repartir au Maroc le 17 avril 2019. Minutieusement protégées, elles ont voyagé dans la soute d’un avion de ligne transportant passagers et fret.
Situées dans un premier temps au Centre Jacques Berque** à Rabat, les sépultures de Skhirat rejoignent les réserves de l’Insap lors d’une cérémonie de restitution des collections jeudi 26 septembre 2019 à Rabat. A cette occasion, Laurent Servant, vice-président de l’université de Bordeaux en charge des réseaux internationaux, et Abdelouahed Ben-Ncer, directeur de l’Insap, signent une lettre d’intention de collaboration entre les deux institutions, en présence de nombreuses personnalités***. En facilitant les échanges d’étudiants, d’enseignants et de chercheurs, cette coopération permettra d’ouvrir de nouveaux horizons d’apprentissage et de former des cadres scientifiques et techniques.
*Pacea – De la préhistoire à l’actuel : culture, environnement et anthropologie (unité CNRSCentre national de la recherche scientifique , ministère de la culture et université de Bordeaux)
**Centre Jacques Berque – Institut français de recherche à l’étranger (IFRE) en sciences humaines et sociales, unité CNRSCentre national de la recherche scientifique et ministère de l’Europe et des affaires étrangères
*** Ministre de culture et de la communication du Maroc, Anne Delagnes, directrice de Pacea, Jean-Paul Lacombe, Dominique Armand, ainsi que des personnalités de l’INSAP, du Centre Jacques Berque et de la coopération universitaire française notamment.