Sortir de l'ombre : les espaces extracellulaires du cerveau dévoilés
L’équipe du professeur de l'université de Bordeaux, Valentin Nägerl à l'Institut interdisciplinaire de neurosciences (IINS) à Bordeaux a développé une méthode basée sur la microscopie à super-résolution pour visualiser l'espace extracellulaire dans le tissu cérébral vivant et ainsi dévoiler l'une des plus importantes énigmes et frontières de la neuroscience. Cette étude a été publiée le 22 février 2018 dans la revue Cell.
- 01/03/2018
Le neurone vert est marqué avec une protéine fluorescente en super-resolution shadow imaging* © Valentin Nägerl
L'espace extracellulaire (ECS) du cerveau fournit la scène physique et la plate-forme de signalisation où les neurones et cellules gliales jouent de concert.
Alors que l'espace extracellulaire occupe un cinquième du volume cérébral, sa topologie est incroyablement complexe et miniaturisée, défiant les approches d'investigation traditionnelles.
L'équipe de recherche du professeur Valentin Nägerl à l'Institut interdisciplinaire de neurosciences (IINS)/centre Bordeaux Neurocampus a mis au point une méthode révolutionnaire pour visualiser le tissu cérébral vivant de manière panoramique et détaillée. La technique permet pour la première fois non seulement de voir les cellules cérébrales individuelles et leurs réseaux complexes, mais aussi de révéler tout le contexte anatomique environnant. C'est comme être capable de voir les feuilles, les arbres et la forêt en même temps.
Même si de nombreuses techniques différentes de bio-imagerie existent déjà, elles ont toutes de sérieuses limites : la microscopie optique régulière ne visualise généralement que quelques cellules individuelles et n'a pas une résolution spatiale suffisante pour voir leurs détails structuraux, alors que la microscopie électronique ne peut s'appliquer qu'à un tissu cérébral fixé c'est-à-dire mort.
En revanche, la nouvelle approche peut prendre des images extrêmement précises de l'architecture anatomique complète de toutes les cellules en même temps dans le tissu cérébral vivant. Les chercheurs ont réussi cet exploit en ajoutant un colorant fluorescent dans le liquide du tissu cérébral, rendant toutes les cellules visibles comme silhouettes (ce colorant restant à l'extérieur des cellules). Cette stratégie de marquage extracellulaire atténue grandement les problèmes de photo-blanchiment et de photo-toxicité associés aux approches d'imagerie traditionnelles.
Cartographier des espaces inexplorés
Pour que ce concept simple fonctionne réellement, les chercheurs ont dû construire un microscope optique à super-résolution avancé, de sorte que les images aient un contraste et une résolution spatiale suffisants.

Parce que les cellules ressemblent à des ombres dans une mer brillante, la nouvelle technique est appelée super-resolution shadow imaging (SUSHI).
Le SUSHI non seulement visualise l'organisation anatomique du tissu cérébral vivant avec une résolution spatiale à l'échelle nanométrique, mais permet en même temps de voir les petits espaces qui séparent toutes les cellules cérébrales d'une autre, qui sont collectivement appelés espace extracellulaire cérébral.
Cet espace est considéré comme très important pour la communication neuronale et l'homéostasie cérébrale, mais il n'a jamais été visualisé directement auparavant, car il est très compact et contourné. La technique SUSHI permettra aux chercheurs de cartographier cet espace inexploré et de l'examiner dans des modèles animaux de maladies du cerveau, tels que les accidents vasculaires cérébraux, l'épilepsie et la maladie d'Alzheimer, où l'espace extracellulaire du cerveau est susceptible d'être affecté.
Ces travaux ont été publiés dans la revue internationale Cell. Plus d'infos et vidéos.
*Légende photo : La Super-resolution shadow imaging (SUSHI) rend toutes les cellules du cerveau visibles en une seule fois. Au zoom supérieur et après l'inversion des couleurs, l'image de droite révèle l'enchevêtrement du tissu cérébral avec une résolution spatiale à l'échelle nanométrique. Le neurone vert a été marqué avec une protéine fluorescente et se distingue ainsi du reste du tissu inversement marqué.
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— Biologie au CNRS (@insb_cnrs) 27 février 2018
Référence
Super-Resolution Imaging of the Extracellular Space in Living Brain Tissue. an Tønnesen, V.V.G. Krishna Inavalli, U. Valentin Nägerl.
Contact
Pr. Valentin Nägerl
Institut interdisciplinaires de neurosciences (IINS)