Un lien identifié entre anciens rétrovirus et psychoses

Une étude translationnelle impliquant des neurobiologistes de l'IINS* établit un lien clair entre la présence dans le sang de la protéine de l’enveloppe des rétrovirus endogènes humains, la perturbation de la communication synaptique et la manifestation de symptômes psychotiques. Elle fait l’objet d’une publication dans Science Advances vendredi 17 juillet 2020.

  • 20/07/2020

Réseau de neurones cultivés de l'hippocampe © Johansson/Groc - CNRS Réseau de neurones cultivés de l'hippocampe © Johansson/Groc - CNRS

Bien qu'une quantité substantielle de notre ADN ait été initialement classée comme « ADN inutile », il est devenu de plus en plus évident que les produits de ces régions peuvent affecter le fonctionnement de certains organes. Les rétrovirus endogènes humains (HERV), trouvés dans ces régions génomiques « non codantes », représentent environ 8% du génome humain et sont des vestiges d'infections survenues il y a plusieurs millions d'années dans l'ADN de nos ancêtres.

De l’influence supputée de « l’ADN inutile »…

Ces gènes sont normalement réduits au silence mais, dans des conditions d'infections et dans des maladies neuropsychiatriques, ils produisent les protéines HERV qui peuvent être détectées chez les patients. Cela soulève la question du rôle des protéines rétrovirales dans l'étiologie de diverses maladies psychiatriques, telles que les troubles psychotiques.

… à la démonstration du rôle des rétrovirus endogènes humains

Dans cette étude translationnelle soutenue par la Fondation FondaMental, des neurobiologistes (Bordeaux), virologues (Genève, Grenoble), psychiatres (Créteil) et immunologistes (Créteil) ont uni leurs forces pour dévoiler que la protéine HERV-W Enveloppe (HERV-Env), qui est présente dans la circulation sanguine d'environ 50% de patients atteints de psychose, est un puissant régulateur de la transmission glutamatergique (~ 80% de la transmission synaptique dans le cerveau). Le glutamate étant un neurotransmetteur essentiel à la transmission d’information entre les neurones grâce à l’action des récepteurs NMDA situés au niveau de la synapse.

Schématiquement, la protéine HERV-Env corrompt la dynamique membranaire et l'organisation des récepteurs NMDA glutamatergiques, la plasticité des synapses glutamatergiques, l'activité des réseaux neuronaux et induit des comportements de « type psychotique » chez les rongeurs adultes qui expriment HERV-Env. Ces travaux ont toutefois permis de démontrer que la protéine HERV-Env n’a pas d’effet direct et que les retentissements cellulaires et comportementaux sont déclenchés par la libération de cytokines des cellules gliales. Impliquées dans la réponse immunitaire, ces molécules s’expriment à l’excès en présence de la protéine HERV-Env, déstabilisent et altèrent les fonctions du récepteur NMDA.

Un espoir pour demain autour de nouvelles stratégies thérapeutiques

Cette étude fournit ainsi un substrat biologique reliant l'interaction pathologique bien connue entre infection, génétique et dysfonction cérébrale dans les troubles psychotiques. Elle suggère également les effets délétères de la protéine HERV-Env sur le processus de maturation cérébrale et ce, dès le plus jeune âge. Enfin, elle ouvre de nouvelles stratégies thérapeutiques, avec des essais en cours, pour lutter contre les produits issus de rétrovirus endogènes et maintenir la physiologie et la plasticité de la transmission glutamatergique.

*IINS - Institut interdisciplinaire de neurosciences (CNRS et université de Bordeaux - Bordeaux Neurocampus)

Source : communiqué de presse Fondation FondaMental

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Référence bibliographique

E. M. Johansson, D. Bouchet, R. Tamouza, P. Ellul, AS. Morr, E. Avignone, R. Germi, M. Leboyer, H. Perron, L. Groc. Human endogenous retroviral protein triggers deficit in glutamate synapse maturation and behaviors associated to psychosis.

Contact scientifique

Laurent Groc
Directeur-adjoint de l'IINS