Un pas vers la (re)marche

Des chercheurs ont créé une neuroprothèse capable de compenser une lésion de la moelle épinière et permettant au sujet de remarcher. Ces travaux, auxquels a participé l’Institut bordelais des maladies neurodégénératives, sont publiés dans la revue Nature.

  • 09/11/2016

© G. Courtine EPFL © G. Courtine EPFL

C’est un premier pas, mais il est important dans ce domaine auquel se confronte la science depuis de nombreuses années. Des scientifiques ont permis que des primates non-humains retrouvent le contrôle d’un membre inférieur paralysé suite à une lésion de la moelle épinière grâce à une interface cerveau-moelle épinière, dite neuroprothèse. Elle a été développée par un consortium international, dans le cadre d’un projet européen Newwalk, mené par l’École polytechnique de Lausanne (EPFL) au sein duquel l’Institut des maladies neurodégénératives (IMN, unité CNRS et université de Bordeaux) a mené la validation expérimentale. Les résultats sont publiés aujourd’hui dans la revue Nature.

C’est le 23 juin 2015 que le premier singe macaque porteur d’une lésion de la moelle épinière a pu retrouver le contrôle de sa jambe paralysée, et donc remarcher. Pour arriver à cela, un travail de long haleine a été mené depuis près de 7 ans et qui a démarré dans le cortex cérébral, qu’on appelle aussi substance grise. Il est le siège de fonctions neurologiques telles que la motricité. C’est lui qui envoie les instructions, des impulsions électriques, à la moelle épinière lui donnant (ou non) l’intention de la marche.

De futurs essais chez l’homme…

Une lésion de la moelle épinière interrompt partiellement ou complètement le transfert de ces signaux électriques conduisant à la paralysie. Toutefois, le cortex moteur produit toujours l’activité électrique liée au désir de marche (ou de mouvement) et les réseaux de neurones situés sous la lésion sont toujours intacts et conservent donc la capacité de produire des mouvements.
Le but pour les chercheurs était de court-circuiter la lésion, en temps réel et sans fil grâce à une neuroprothèse. Elle décode l’activité du cortex moteur, décode l’information pour « comprendre » le désir de marche ou de quelque mouvement que ce soit, transmet cette information au stimulateur qui active les électrodes situées à la surface de la moelle épinière sous la lésion pour permettre l’activation contrôlée des muscles des jambes, en fonction du réel souhait de l’animal.

© EPFL

C’est un réel tour de force technologique pour Erwan Bézard, directeur de l’IMN et directeur de recherche Inserm, qui a mené ses recherches avec son équipe en collaboration étroite avec un de ses partenaires Motac Neurosciences. Il a notamment supervisé les expériences menées dans son centre, il explique que « les singes furent capables de re-marcher immédiatement après la mise en fonction de la neuroprothèse. Aucun entrainement ne fut nécessaire. Pour moi qui suis quelqu’un d’assez sceptique, c’était assez démentiel de voir l’animal remarcher ».

Une application dans le cadre de la maladie de Parkinson ?

Un essai clinique a d’ores et déjà été initié à l’Hôpital universitaire de Lausanne afin de tester les effets thérapeutiques de cette neuroprothèse chez des patients souffrant de lésions de la moelle épinière. Mais les chercheurs restent prudents, et si les essais cliniques débutent, cela prendra quelques années avant que de telles approches soient disponibles chez l’homme. Une des problématiques vient du fait que les lésions chez les paraplégiques sont de nature variable et non aussi franches que celles réalisées expérimentalement.

Le deuxième volet de cette recherche et qui intéresse particulièrement les chercheurs de l’IMNInstitut des maladies neurodégénératives , concerne Parkinson. En effet, cette maladie neurodégénérative entraîne des dyskinésies, des mouvements anormaux qui n’émanent pas du cortex cérébral mais de structures sous-corticales. Pour les chercheurs, le but serait d’adapter cette nouvelle technologie dans le cadre de cette maladie afin de faire disparaître, court-circuiter donc ces mouvements anormaux.

Thèmes :

Références

A brain–spinal interface alleviating Locomotor deficits after spinal cord injury. M. Capogrosso, T. Milekovic, D. Borton, F. Wagner, E. M. Moraud, J.-B. Mignardot, N. Buse, J. Gandar, Q. Barraud, D. Xing, E. Rey, S. Duis, Y. Jianzhong, W.K.D. Ko, Q. Li, P. Detemple, T. Denison, S. Micera, E. Bezard, J. Bloch, G. Courtine.

Pour en savoir plus

Contact scientifique

Erwan Bézard
Directeur de recherche Inserm