VIH : un point sur des recherches bordelaises

A l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le sida, focus sur deux thématiques de recherche autour du VIH développée à Bordeaux : l’épidémiologique clinique des patients vivant avec le VIH et la recherche fondamentale pour mieux comprendre l’infection de la cellule.

  • 01/12/2017

Le VIH touche 36,5 millions de personnes dans le monde © karademirburak - Fotolia Le VIH touche 36,5 millions de personnes dans le monde © karademirburak - Fotolia

Mettre un terme à l’épidémie de sida d’ici 2030, voilà l’objectif affiché par l’Onusida, programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida. A l’occasion de cette journée mondiale, son directeur exécutif Michel Sidibérappelle que « (...) cette année a vu des étapes significatives franchies sur la voie des objectifs de traitement 90-90-90 ». Cette cascade de soin implique que 90 % des personnes vivant avec le VIH soient dépistés, que 90 % de ces personnes soient sous traitement d’anti-rétroviral, et que 90 % de ces dernières aient une charge virale (nombre de copie du virus) supprimée, c’est-à-dire indétectable d’ici 2020.

Pour la chercheuse Linda Wittkop, cet objectif semble atteint en Aquitaine en tout cas pour « les deux dernières 90 %». Elle est responsable de l'équipe Inserm VIH, hépatites virales et comorbidités : épidémiologie clinique et santé publique au sein du centre Bordeaux Population Health (BPH, unité Inserm et université de Bordeaux). C’est notamment le suivi de la cohorte appelée ANRS (France Recherche Nord & Sud Sida-hiv Hépatites) CO3 Aquitaine, qui a aujourd’hui 30 ans, qui lui permet de tirer cette conclusion.
Plus de 4000 personnes séropositives sont actuellement suivies de façon active dans la cohorte, et 98 % sont sous traitement dit antirétroviral dont 93 % ont une charge virale supprimée. « Cela signifie donc que les cliniciens respectent bien les recommandations actuelles pour la prise en charge de leurs patients ». Et si les patients atteints de VIH voient leur maladie quasi-contrôlée, les chercheurs en épidémiologie s’intéressent aujourd’hui aux autres maladies chroniques pouvant les toucher. Ils observent ces comorbidités dites non liées au VIH (cancers, troubles osseux ou rénaux, des maladies cardiovasculaires) survenant plus tôt que dans la population générale. Plusieurs facteurs peuvent potentiellement expliquer cette observation.

Un traitement lourd et à vie

Prenons l’exemple du tabac. Il s’avère que beaucoup de patients atteints de VIH sont également fumeurs et une partie de ce risque plus élevé des comorbidités peut s’expliquer à travers de cette exposition au tabac. Est-il possible de leur prescrire une molécule de sevrage tabacologique (telle que la varénicline) pour diminuer l’exposition à ce facteur de risque sans que cela soit dangereux pour les patients au vu de leur traitement déjà important ? Et cette molécule est-elle aussi efficace ? Un essai clinique réalisé dans l’équipe (à paraitre dans la publication internationale Lancet HIV) montre que oui, explique la chercheuse bordelaise.
Son équipe s’intéresse également aux patients atteints à la fois par l’hépatite C et le VIH. Il s’avère que en France, la proportion d’hépatite C chez les personnes séropositives est autour de 16 %. « Il y a eu une révolution dans le traitement de l’hépatite C ces dernières années avec l’apparition de molécules pouvant guérir les patients de cette hépatite de manière très efficace. Et à travers de la cohorte nationale ANRS CO13 HEPAVIH, nous avons pu montrer que cette efficacité était la même chez les co-infectés par le hépatite C et le VIH que celle observé chez les sujets infectés par le hépatite C seule. »

Si les patients peuvent bénéficier d’une meilleure prise en charge dans l’hémisphère nord, il reste encore des progrès à faire à ce niveau dans les pays du sud. Xavier Anglaret, qui a récemment un prix de l’Académie des sciences, dirige un équipe au sein du BPH s'intéressant à cette thématique.
Mais le traitement contre le VIH est de toutes façons un traitement lourd et à vie, donc l’alternative la plus simple serait de pouvoir l’éradiquer le virus.

Rappel : qu'est-ce que le VIH ?

Pour rappel, le Virus de l'immunodéficience humaine (VIH) est un rétrovirus, c’est-à-dire qu’il possède une enzyme appelée transcriptase inverse. Elle permet la copie de sa molécule d’ARN contenant son information génétique, en ADN.Ensuite cet ADN viral s’intègre dans le noyau des cellules du système immunitaire du patient, les lymphocytes T CD4+, et détourne la machinerie cellulaire à son propre développement. C’est à ce moment là que s’établit un réservoir de virus dormant qui empêche encore aujoud’hui d’éradiquer le VIH.

Marie-Line Andreola, chercheuse CNRS au laboratoire de Microbiologie fondamentale et pathogénicité (MFP, unité CNRSCentre national de la recherche scientifique et université de Bordeaux) étudie notamment la façon dont le virus s’introduit dans la cellule.
Pour l’instant, il existe des antirétroviraux qui empêchent le virus de se développer mais entraînent l’apparition de virus résistants aux médicaments. « On a encore du mal à comprendre les mécanismes cellulaires qui gouvernent l’intégration du virus » explique la chercheuse.

Le HIV en vert sur des lymphocytes T4 en culture. © : C. Goldsmith Content Providers: CDC/ C. Goldsmith, P. Feorino, E. L. Palmer, W. R. McManus (Centers for Disease Control and Prevention)

Parmi les différentes pistes possibles, l’équipe de Marie-Line Andreola, qui travaille avec des virologues hospitaliers, s’intéresse aux mécanismes de la régulation cellulaire de l’intégration, comme l’activation de la protéine kinase GCN2 par l’infection virale, l’impact de la dynamique chromatinienne (au cœur du noyau de la cellule) sur l’intégration, ou encore le rôle biologique de structures particulières de l’ADN appelées quadruplexes ou G4.
Autant de pistes pour lutter contre un virus ayant provoqué 1,8 millions de nouvelles infections en 2016 et touchant aujourd’hui 36,5 millions de personnes dans le monde (chiffres Onusida).  

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