Vers une énergie plus verte et durable avec l’hydrogène ?

Des scientifiques du campus bordelais développent, notamment avec des partenaires industriels, divers projets sur la production et l’utilisation de l’hydrogène afin de proposer de nouvelles solutions technologiques dans les domaines de l’énergie.

  • 09/06/2020

Vélo à assistance électrique à hydrogène développé pour la ville de Bordeaux © F. Mauvy Vélo à assistance électrique à hydrogène développé pour la ville de Bordeaux © F. Mauvy

« Obtenir de l’énergie électrique plus respectueuse de l’environnement à partir d’énergie chimique ? C’est tout à fait réalisable avec de l’hydrogène, de l’oxygène et une pile à combustible », explique Fabrice Mauvy, professeur en chimie du solide et électrochimie de l’IUT de Bordeaux à l’Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux (ICMCB – CNRS, Bordeaux INP et université de Bordeaux). Non polluant, le principe de la pile à combustible, ou pile à hydrogène, repose sur une réaction simple : hydrogène + oxygène → électricité + eau. 

« En réalité, la pile à combustible n’est pas une pile : elle ne contient pas d’énergie. Il faut l’alimenter avec un gaz mais attention, il n’y a pas de combustion ! » Ce gaz, c’est l’hydrogène. Très peu disponible à l’état naturel, il doit être fabriqué. « À ce jour, 95% de la production mondiale de di-hydrogène H2 est obtenue à base d’énergies fossiles, il s’agit d’hydrogène « gris ». L’hydrogène dit « vert » est fabriqué à partir d’énergies renouvelables », précise l’enseignant-chercheur. Pour ensuite produire de l’électricité, on utilise la pile à combustible qui fonctionne comme un convertisseur d’énergie chimique de l’hydrogène en énergie électrique.

La pile qui n’en n’était pas une

« Dans le domaine des matériaux, une grande avancée a été réalisée lorsque l’on a été capable de transférer un électron entre deux solides différents. Si on était capable de faire aussi bien avec des ions nous pourrions alors stocker et produire de l’énergie électrique avec de bien meilleurs rendements », souligne Fabrice Mauvy. Les chercheurs de l’ICMCB développent ainsi des matériaux pour les piles à hydrogène qui assurent un bon transfert des ions et des électrons afin d’obtenir un rendement suffisamment concurrentiel vis-à-vis des systèmes à combustion (du pétrole en particulier).

Ainsi, dans ce cadre-là, les scientifiques se sont associés à l’entreprise Hydrogène de France (HDF), située à Lormont et spécialisée dans le stockage massif d’énergie, pour développer avec d’autres partenaires le projet européen Cleargen. « L’idée a été d’utiliser le surplus d’hydrogène produit sur le site d’une raffinerie de pétrole jusqu’alors brûlé dans une torchère pour produire de l’électricité à l’échelle du mégawatt. »

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Localisée sur le site martiniquais de la Société anonyme de la raffinerie des Antilles (SARA), cette pile à combustible permet d’avoir une production d’électricité garantie. « Cela représente une valeur économique importante, particulièrement sur une île sans grande centrale, confrontée à des fluctuations de réseau et une énergie intermittente, explique Fabrice Mauvy. Et cela marche ! Je dois reconnaître que je n’avais pas imaginé qu’un des premiers projets rentables dans l’histoire de la pile à combustible se fasse dans une raffinerie ! »

 

 

La pile à combustible trouve également des applications sous formes plus petites et plus compactes, telles que dans les vélos à assistance électrique (VAE). Sollicité en 2015 par la ville de Bordeaux, les chercheurs de l’ICMCB ont développé trois vélos électrifiés avec des collègues du laboratoire de l’Intégration du matériau au système (IMS – CNRS, Bordeaux INP et université de Bordeaux) et du Technoshop Coh@bit de l’IUT de Bordeaux. Comprenant une pile à combustible dans l’axe de pédalier et une bouteille d’hydrogène dans le cadre, ces vélos à énergie verte ont été bien perçus par le public. Cependant, l’autonomie de la pile étant liée à la taille du « réservoir » d’hydrogène, l’adoption généralisée s’est heurtée au manque de stations à hydrogène en France. « D’où l’idée de concevoir un vélo à assistance électrique capable de produire lui-même de l’hydrogène à la demande », relate l’enseignant-chercheur.

Un vélo électrique vert et autonome

« Avec le projet innovant HELP (Hydrogen Energy at Low Pressure) financé par Aquitaine science transfert, nous avons développé un mini-réacteur produisant de l’hydrogène à partir d’une pastille de magnésium et d’eau. » La réaction effervescente du magnésium dans l’eau dégage de l’hydrogène, et permet ainsi d’alimenter une pile à combustible. Résultat : un vélo à assistance électrique vert et autonome. « Contrairement au lithium par exemple, le magnésium est abondant dans les océans et sur terre et non toxique. Le système est léger, à bas coût et il n’est plus nécessaire de stocker l’hydrogène dans des bonbonnes », se réjouit Fabrice Mauvy.

Fabrice Mauvy, professeur à l'IUT de Bordeaux et chercheur à l'ICMCB en train de tester le vélo à assistance électrique à hydrogène développé pour la ville de Bordeaux © DR

« En revanche, lors de la réaction le magnésium se recouvre d’une couche d’hydroxyde de magnésium, ce qui bloque la production de gaz et ne donne qu’un faible rendement. » Breveté en 2015, les chercheurs bordelais ont travaillé sur un catalyseur permettant de détruire cette couche et d’accélérer la réaction. « Désormais, nous avons un rendement de conversion magnésium-hydrogène de 99% ! Avec ce procédé, les débits d’hydrogène sont importants et l’amorce est de quelques secondes seulement. » La preuve de concept est validée, et les scientifiques espèrent qu’un industriel prenne la licence de cette technologie.

Des capsules de magnésium

L’équipe de scientifiques étudie également d’autres procédés, notamment celui du recyclage du résidu de la réaction produite par le magnésium et l’eau. Ils cherchent aussi à produire de l’hydrogène directement à haute pression, en le « comprimant » grâce à la chimie, cela permettrait alors de disposer de grandes quantités.

Maquette d'une pile à combustible présentée à la Nuit des chercheurs 2019 © Gautier Dufau

L’ensemble de ces projets innovants sur l’hydrogène, la plupart en collaboration avec des industriels, trouve de nombreuses applications stationnaires mais aussi dans les transports (automobile, aéronautique, transports ferroviaires...). « Des élus s’intéressent à ces projets sur l’hydrogène, c’est très encourageant », précise le chercheur. « Aujourd’hui, les piles à combustible commencent à avoir de bonnes performances électrochimiques. La problématique pour une meilleure pénétration du marché reste la durabilité. C’est pourquoi nous continuons à proposer des matériaux qui permettent d’augmenter la durée de vie mais ne pénalisent pas la performance », conclut Fabrice Mauvy.

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Fabrice Mauvy
Professeur de l’IUT de Bordeaux et chercheur à l’ICMCB