Bertrand Moal, docteur au carré

Avec une thèse en biomécanique en poche, un diplôme de médecin en cours et à la tête d’une jeune société d’analyse d’images, Bertrand Moal ne s’ennuie pas à l’université de Bordeaux où il est étudiant. Rencontre.

 © Hughes Bretheau (Sam/université de Bordeaux) © Hughes Bretheau (Sam/université de Bordeaux)

Il n’est pas rare que des médecins se lancent dans une carrière de chercheur via une thèse quelques années après l’obtention de leur diplôme. Il est plus rare qu’un doctorant se lance après sa thèse dans des études médicales. Mais il est rarissime que certains fassent les deux à la fois, et c’est le cas de Bertrand Moal actuellement en 6e année de médecine à l’université de Bordeaux. Résultat d’une vocation tardive mais farouchement ancrée.

Né de parents ingénieurs en région parisienne, le jeune homme explique « avoir suivi le mouvement comme une évidence ». Enchaînant les classes prépa maths sup et maths spé, il intègre l'École spéciale des travaux publics, du bâtiment et de l'industrie (ESTP). La formation est suffisamment généraliste pour celui qui se cherche encore. Le virage décisif aura lieu lors d’un volontariat de quelques semaines à Naplouse en Palestine. Il donne des cours de français et d’anglais dans des camps de réfugiés et surtout rencontre des « gens hyper investis » à l’image d’étudiants en sciences politiques, lui qui n’avait peu d’ouverture politique à ce moment-là. Un besoin d’engagement naît alors et il comprend qu’il doit trouver « quelque chose d’important à faire ». Après quelques semaines de réflexion, ce sera médecine.

Une thèse entre Paris, New-York et Bordeaux

Et comment fait-on lorsqu’on est en 2e année d’école d’ingénieurs de travaux publics pour raccrocher des études de médecine ? Simple pour Bertrand Moal, il commence par s’orienter vers un master recherche en biomécanique à Arts et Métiers ParisTech, en équivalence de sa 3e année d’école d’ingénieur. « Là je découvre le milieu de la recherche et cela me plaît vraiment contrairement aux années précédentes ».

« Au départ, on ne se disait pas qu’on allait monter une entreprise, et je ne l’aurai pas fait sans Olivier et sans le soutien de l'équipe de New-York »

Suite à ce master, par deux fois il va postuler en 3e année de médecine via le système des passerelles, et par deux fois, il est refusé. Passée la déception et la remise en question, il rejoint New-York en 2010 et une ancienne étudiante des Arts et Métiers, Virginie Lafage, chercheur à l’hôpital universitaire sur la colonne vertébrale sur les conseils de la directrice du master. Il passe un an « dans un laboratoire super dynamique ». Les chercheurs testent des nouvelles vis pour la chirurgie de la colonne, Bertrand Moal analyse les résultats, un papier est publié. Puis il démarre alors une thèse en biomécanique aux Arts et Métiers sur la déformation de la colonne vertébrale chez l’adulte, entre l'Institut de Biomécanique Humaine Georges Charpak, l’hôpital universitaire de New-York et le CHU de Bordeaux, avec le professeur Jean-Marc Vital, chef de l’unité prenant en charge l’ensemble des pathologies chirurgicales de la colonne vertébrale.

Mais l’idée de faire médecine n’a toujours pas quittée le doctorant. Une nouvelle passerelle est mise en place en 2012 pour entrer en 2e année, Bertrand Moal tente sa chance. Et le voilà qui rejoint la fac de médecine à Bordeaux en septembre cette année-là. Mais là, c’est « une douche froide » reconnaît-il, il ne connaît personne, sort peut et travaille énormément cumulant sa thèse et ses cours où l’ingénieur de 26 ans doit se remettre au « par cœur » au milieu d’étudiants d’à peine 20 ans.

Deski ou l’intelligence artificielle au service du chirurgien

Mais il s’accroche, soutient sa thèse en octobre 2014. C’est durant celle-ci qu’il commence à s’intéresser au fait d’utiliser l’intelligence artificielle dans l’analyse des images du rachis au contact de Nemaris, une entreprise travaillant en lien avec l’hôpital universitaire de New-York. Elle a développé Surgimap, une plateforme de logiciels pour aider les chirurgiens dans leur quotidien.

Il a l’idée de développer des algorithmes permettant une analyse automatique de la colonne vertébrale. C’est pour lui une véritable aide apportée au clinicien et une meilleure prise en charge du patient. Il entraîne son petit frère Olivier, également ingénieur, dans le projet.

Détection automatique de coin de vertèbre dans une radiographie © Deski

« Au départ, on ne se disait pas qu’on allait monter une entreprise, et je ne l’aurai pas fait sans Olivier et sans le soutien de l'équipe de New-York » mais la société Deski naît au début de l’année 2016. Celui qui a le succès modeste explique qu’il « n’y a rien de révolutionnaire dans son projet, mais c’est la base de données à New-York grâce à laquelle peuvent s’entraîner les algorithmes qui est unique au monde ». Deski a été récompensé du talent U en Recherche et innovation de l’université de Bordeaux.

Aujourd’hui en 6e année, Bertrand Moal se consacre à ses études, expliquant que son frère fait 85 à 90% du travail de Deski. Il lui reste quand même un peu de temps pour des pauses sportives (course, voile…) et littéraires avec Dumas, Gary et Saint-Exp’ notamment. Son avenir ? Il le voit en tant que médecin évidemment, toujours en lien avec la recherche assurément.

Thèmes :

Recherche

Mise à jour le 29/11/2016

Pour en savoir plus sur le Talent U de Deski

Lauréats Talents U, catégorie Recherche & Innovation © H.Bretheau - uBx

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Bertrand Moal
Etudiant en médecine et fondateur de Deski