Mission Wise, le retour
Pendant 14 mois, douze bouteilles d’un grand vin de Bordeaux ont séjourné à bord de la Station spatiale internationale dans la cadre de la mission Wise, premier programme privé de recherche spatiale appliquée auquel l’Institut des sciences de la vigne et du vin (ISVV) est associé pour la partie scientifique. De retour sur Terre, le fameux vin, un Petrus millésime 2000 a été dégusté et analysé sous la houlette du professeur Philippe Darriet, directeur de l’unité de recherche d’œnologie de l’ISVV. Les premiers résultats ont été dévoilés mercredi 24 mars lors d’une conférence de presse en Mairie de Bordeaux.
- 30/03/2021
© Space Cargo Unlimited
En apesanteur à 400 km de la Terre pendant 438 jours et 19 heures. Une sacrée odyssée pour les douze bouteilles de Petrus* âgées de 21 ans récupérées avec une grande émotion et en très bon état par les bordelais Nicolas Gaume et Nicolas Ectheparre cofondateurs de Space Cargo Unlimited et à l’initiative de la Mission Wise. Ce projet original entend tirer parti des effets de la microgravité sur des systèmes biologiques complexes pour trouver des solutions pour la viticulture et l’agriculture de demain.
« La Terre change, et nous pensons que l’espace a des clés pour nous permettre de réfléchir à ce que sera l’agriculture, et la viticulture, de demain, explique Nicolas Gaume. Quand on enlève la gravité, on crée le stress le plus prodigieux auquel on puisse être exposé, et la nature réagit, elle développe des stratégies pour tenter de survivre, d’évoluer. C’est ce stress-là que nous voulons capturer, car il fera évoluer les plantes, pour qu’elles deviennent plus résistantes face au changement climatique qui frappe la Terre. »
« Un très grand vin »
Revenu en début d’année sur Terre à bord d’une capsule Dragon (SpaceX), ce vin a été entreposé à l’Institut des Sciences de la Vigne et du Vin (ISVV) pour y reposer avant d’être dégusté le 1er mars. Ce jour-là, deux bouteilles « anonymisées » de Petrus, l’une « spatiale, l’autre « terrestre » ont été présentées à l'aveugle à un panel de douze personnes - amateurs et experts, selon un protocole rigoureux d’évaluation sensorielle. Impossible en effet pour les participants de savoir par avance s’ils dégustaient un vin terrestre ou spatial.

« De manière unanime, les deux vins ont été considérés comme de très grands vins. Malgré ce séjour prolongé sur la station spatiale, le « vin de l’espace » a été très bien évalué sensoriellement décrit Philippe Darriet. Des différences ont été perçues concernant la couleur, avec une variation de reflets plus tuilés pour le vin spatial. Quant aux composantes d’arômes et de goûts, elles ont été décrites avec un vocabulaire attestant d’une complexité olfactive et gustative remarquable » poursuit l’œnologue. « Néanmoins, les caractéristiques sensorielles des vins sont variables après plus de vingt années de vieillissement… et les observations doivent être répétées ».
Le vin mais aussi les sarments de vigne
Au même titre que les douze bouteilles de Petrus, 320 sarments de vigne ont séjourné 10 mois sur la Station spatiale internationale, grâce à un partenariat avec le CNES et l’ESA et sont revenus sur Terre le 14 janvier dernier. Les sarments ont alors été plantés quelques jours après leur retour sur Terre, pour partie dans des serres situées sur le site de l’ISVV, où ils sont étudiés sous la responsabilité de Stéphanie Cluzet, directrice du programme de recherche, et pour partie en Vendée, dans les serres du Groupe Mercier, leader mondial dans la production de plants de vigne et la création de vignobles, avec lequel Space Cargo Unlimited a scellé un partenariat stratégique d’une durée de cinq ans. Le développement des plantes est suivi au jour le jour afin de mesurer les éventuels effets des conditions de la Station Spatiale Internationale sur celles ci.

Les prochaines étapes du programme de recherche se structurent autour d’analyses fines visant à l’identification et au dosage de composants chimiques du vin qui a séjourné dans l’espace versus vin terrestre. Cette recherche permettra d’apporter un éclairage scientifique sur l’impact réel de la microgravité vis à vis des composants du vin. Elle constituera une pierre angulaire dans la compréhension de l’impact de l’environnement spatial sur le vieillissement d’un vin et de ses composants (goût, arôme, couleur, polyphénols...). Les résultats de ces travaux seront publiés par les chercheurs de l’unité de recherche Œnologie à l’ISVV dans une revue scientifique internationale. « Nous sommes confiants que nos travaux puissent également contribuer à faire progresser les recherches autour de l’alimentation en général » conclue Philippe Darriet.
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*Mondialement reconnu pour ses qualités exceptionnelles, Petrus (Pomerol) offre un quasi mono cépage (Merlot) et un historique documenté permettant de mieux mesurer les effets du séjour du vin dans l’espace. La belle structuration du millésime 2000 permettra d’apprécier pleinement cet impact.